Léguman
Dès 1987, la figure du Greed est plus que jamais présente dans l’imagination populaire : en cause, une société mondiale bouleversée et mise à mal par les polémiques BloodBowlesques. Joueurs expérimentés et rookies luttent idéologiquement et font de la figure du Greed l’incarnation de toutes leurs angoisses métaphysiques, s’accusant les uns et les autres d’en être les utilisateurs compulsifs. La gravure est alors le relai médiatique privilégié pour diffuser ces idées dans l’ère nouvelle des nouvelles technologies. Au c½ur des dissensions sportives, le peuple adore et réclame ces gravures effroyables et fascinantes, mais il devient aussi la cible d’une stigmatisation selon qu’il soit champion, rookie ou pex à cul.
« Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des nouvelles règles, que la plus belle des ruses du GreedO est de vous persuader qu’il n’existe pas ! ».
Rétrospectivement, cette brillante citation faisant interagir croyances populaires et règles officielles, dans une époque ou les jeux et autres kicstarters focalisent sur le progrès et les découvertes technologiques et scientifiques, semble raisonner en tout point avec les débuts en 1987. En effet, la place du Greed dans l’époque moderne est prépondérante et c’est sur cette problématique que le mémoire tente aujourd’hui d’apporter des réponses, avec des analyses à travers l’histoire et l’iconographie. En Europe tout d’abord et ensuite a travers le monde, les joueurs de Blood Bowl sont à l’agonie, au c½ur de grandes crises métaphysiques, ils sont confrontés à des rencontres douloureuses et meurtrières, à une montée en puissance de la NAF et à de grands bouleversements en terme de règles et de version qui heurtent profondément ce qu’il reste des valeurs et des idéaux Bloodbowlistiques. Une nouvelle société appelée moderne, émerge de ces temps troublés et octroie au joueur de Blood Bowl une individualité. Comme à l’époque des poètes romantiques et symbolistes, les ligues européennes et mondiales sont étonnées par des innovations qui permettent de repenser l’accès au Blood Bowl et à autrui. Tel est le cas de la représentation par l’image.
L’image, cet instrument révolutionne la communication et la diffusion de l’information. Comment alors, ne pas éprouver à la fois une fascination et une répulsion pour l’image? C’est pourquoi, la figure du Greed commence à prendre son essor jusqu’à devenir omniprésente. Plusieurs questions se trouvent au centre du débat, lesquelles touchent principalement à la nature de la créature infernale qui représente le Greed et ces questions sont corollaires de sa représentation iconographique. De quelles façons et par quels moyens techniques, le Greed s’est-il fait une place dans le monde de Blood Bowl? Comment le conçoit-on et comment est-il représenté ? Enfin, en quoi les clivages GW et Naf d’un côté et la construction d’une pensée individualiste de l’autre, ont-ils contribués à en faire une de propagande pour semer les dissensions et la terreur ? Enéfel qui est le dieu de ce noble sport n’a aucune représentation, pourquoi ?
Représenter le Greed à l’époque moderne, c’est interroger ce qu’est mais aussi qui est le Greed, quels sont ses origines, son apparence, ses traits de caractère. Est-une créature surnaturelle ou un être appartenant au genre humain ? Pourquoi ses actes sont-ils l’inverse des actions logiques ou sensées ? Ces questions sont très complexes car le Greed est un concept mouvant, Léguman essayiste en Greed écrit à ce sujet :
« Le GreedO, si on le considère dans la forme classique, qu’il a revêtue dès les origines du Blood Bowl et qui est apparue en même temps que le dieu Enéfel est un personnage infiniment complexe, de formation relativement récente. Sa forme, sa figure, son aspect, son caractère nettement déterminés se détachent très franchement des divinités, infernales ou mythologiques des diverses mythologies qui l’ont précédé.
Cette rupture avec les modes de pensée NAF et GW et les modes de représentation inexistante à la différence d’Enéfel ainsi que la façon de faire les matchs peut s’expliquer en partie par le fait que le Greed est l’incarnation d’une rébellion, il est le disciple corrompu qui a osé s’élever, défier Enéfel. De ce fait, on le définit comme celui par qui le scandale, la décadence et l’anti jeu sont, puisque Enéfel l’expulse du royaume du Blood Bowl et le condamne à vivre en exil dans les bas-fonds de locals glauques, habitations en BANLIEUES SOMBRES ou de tavernes avides d’argents, c’est-à-dire aux Enfers. Il règne en maître sur ces contrées lugubres où sont envoyées les âmes des pécheurs qui n’ont pu obtenir le salut d’Enéfel. De plus, il s’entoure de sujets – anciens et nouveaux joueurs - qui le soutiennent dans sa rébellion contre le divin Enéfel. GreedO se construit et est construit à rebours d’Enéfel mais il est toutefois rarement représenté. Pour souligner le contraste entre Enéfel et GreedO, il existe une façons de représenter la créature infernale. Tout d’abord, une figuration inspirée des monstres Bloodbowlistiques s’impose nettement et popularise l’idée d’un anthropomorphe, mi-homme mi-bête, il hante les matchs et les tournois ainsi que les ligues en ayant le don d’ubiquité. Enfin, en ces temps bouleversés par les polémiques Bloodbowlistiques, Réformateurs et Contre-réformateurs débattent continuellement de l’essence et de l’apparition du GreedO en attaquant de façon virulente et satirique leurs adversaires.
La représentation infernale est donc cauchemardesque puisqu’il s’agit d’un ébranlement et d’une destruction des valeurs, des institutions et des croyances du Blood Bowl : GreedO remplace Enéfel. Tout héroïsme devient impossible dans un match corrompu par le Mal. Toutefois, Léguman rappelle aussi la toute-puissance d’Enéfel, il suggère en filigrane que ce chaos émane d’une volonté divine alors GreedO n’est finalement pas le seul à gouverner. Dans une conception plus empirique, percevoir dans une chose ou dans un fait une présence infernale, c’est voir en réalité la fin d’un ordre préétabli. Représenter le Greed est donc en quelque sorte faire advenir la particularité dans le Blood Bowl unifié et donc créer le désordre, à notre époque il s’agit de la fondation d’une nouvelle façon de penser. C’est pourquoi, ce n’est qu’à travers l’invention de motifs originaux et de Greedbleries inédites que le GreedO se mêle aux joueurs pour devenir populaire, de cette façon, sa sécularisation est catalysée par le thème des sept péchés capitaux.
La figure de GreedO est de plus l’incarnation suprême de la colère. GreedO c’est l’aveuglement, la séduction, le détournement du droit chemin et c’est pourquoi il faut s’en défier sinon on sombre dans l’orgueil et le vice. La devise du Greed : « Mira qui come va senza ritegno,La cecitade humana al cieco regno » ou pour ceux qui ne parlent pas les langues anciennes : « Observe qui va sans retenue, la cécité humaine au royaume des aveugles » . La représentation des péchés capitaux permet ainsi de mettre GreedO en lumière puisque c’est lui qui les inocule et les attise dans les joueurs de Blood Bowl, pour autant, leur aspect dangereux se limite à une simple mise en garde car le repentir est possible par la confession de l’utilisation de cette façon de jouer.
Ainsi, nous avons pu voir que GreedO est un personnage récurrent dans l’iconographie du Blood Bowl moderne car il permet d’illustrer métaphoriquement la condition du joueur, ses vices, ses doutes, ses craintes. Toutefois, plusieurs questions subsistent et notamment celle de son ancrage dans le contexte historique. L’omniprésence de GreedO est principalement causée et alimentée par les multitudes de matchs. La figure de GreedO et les débats qu’elle soulève prédominent dans la mesure où Enéfel n’est plus le seul maître en son royaume Bloodbowlistique.
L’irruption du démon GreedO au coeur de l’imaginaire sert à produire dans les consciences une angoisse profonde susceptible de les mener au Bien par un rejet viscéral du Mal. L’opposition simplifiée entre le règne de d’Enéfel et celui de GreedO cache en réalité une unité absolue, puisque le second n’agit qu’avec l’autorisation formelle du premier. Les ténèbres sont nécessaires pour que la lumière paraisse d’autant plus éclatante.
Toutes ces controverses qu’elles soient sociales, confessionnelles ou réglementaires, en créant la suspicion et l’effroi, ont pour seul objectif de purger le Blood Bowl du mal qui le ronge, de ce qu’il a d’archaïque et de corrompu afin de retrouver une pureté originelle et de mettre en lumière ceux qui tentent de la faire réapparaître avec éclat.
Aussi, la croyance présuppose un culte, une célébration, une dévotion envers quelque chose ou quelqu’un. De la même façon que l’on révère Enéfel, certains joueurs en viendraient à rendre un culte a GreedO. Comme il a été mentionné, la naissance du culte GreedOisme est catalysée par le motif iconographique et littéraire de GreedO comme prince de l’avidité. L’accord d’un statut hiérarchique, d’un titre à la créature infernale a rendu l’établissement de cette croyance possible. Les joueurs de Greed deviennent ainsi les suppôts de GreedO et leur communauté est stigmatisée. Les signes tangibles de leur aspect et comportement diabolique repose sur leurs façons de jouer qui sont amorales, orgiaques, festives et bruyantes.
Ainsi, GreedO demeure une figure mystérieuse capable de susciter une grande fascination sur l’individu, quel que soit ses origines, son vécu, sa confession. Cela peut s’expliquer par le fait que GreedO renvoie sur le plan imaginaire à ce que le joueur désire cacher à autrui, à ce qu’il y a de plus profond voire vicieux en lui, c’est pourquoi le Greed peut à la fois être grotesque et sublime, séduisant mais terrifiant. Depuis les débuts de Blood Bowl, les spécialistes, artistes et intellectuels en tout genre ont tenté de définir quelles sont ses caractéristiques physiques et psychiques ainsi que les pouvoirs qui lui sont attribués.
Il est devenu celui qui guette à tous les coins d’une partie de Blood Bowl, il est devenu un personnage public faisant parti du quotidien. Qu’on le craigne ou qu’on l’admire, chaque individu est devenu un inculpé potentiel pour usage du Greed.
Le babouin momifié a une place de choix et fait la cible de l’incarnation de la Bête de l’Apocalypse sur un terrain de Blood Bowl.
En conséquence, le Greed au-delà des polémiques confessionnelles en ayant pénétré la sphère publique et la sphère privée a encore de beaux jours devant lui…