Duda
Le coach fulminait. Serrant nerveusement le calendrier des rencontres de la Lutèce Cup, il ne n’arrivait pas à décrisper sa mâchoire. Et les invectives pleuvaient d’entre ses dents resserrés – « mais qu’est ce que c’est que c’bordel ! Me faire ça à moi. A moi ! Crénom de dieu, mais ils vont m’entendre parler à la Commission ! Changer le calendrier du championnat le lendemain de la première journée, c’est inadmissible ! Scandaleux ! Inique ! De mémoire de coach, je n’ai jamais entendu parler d’une telle ignominie !!! »
L’atmosphère autour du terrain d’entrainement du Real Boitar était, pour ainsi dire, électrique. Aucun joueur halfling n’osait s’approcher de son entraineur, qui irradiait de colère au bord de la pelouse. L’ensemble des joueurs suivait une séance de préparation physique que le nouveau coach leur avait imposé (enfin, ils tentaient de la suivre, aucun d’entre eux ne réussissant à faire deux pompes d’affilée…), quand le coach reçut la missive en provenance de la Commission de la Ligue.
C’est là que son cri de rage retentit. Il criait maintenant depuis une bonne dizaine de minutes. D’après les injures qu’il lançait, les joueurs comprirent vite que leur saison allait changer. Lorsqu’ils reçurent le calendrier officiel des matchs, le coach Duda invita l’équipe à une soirée de beuverie à l’auberge du Crampon d’Or. – « on jouera contre plein d’équipes débutantes ! Des vrais noobs » - qu’il disait, enjoué. – « finalement, vu ce qu’on rencontre, plein d'lopettes en colants, on aura peut-être une chance de faire bonne figure dans ce championnat de brutasses ». Les halflings étaient contents. Selon leur entraineur, les équipes qu’ils allaient affronter pourraient être à leur niveau s’ils s’entraînaient rudement (disons plutôt que ces équipes laisseraient les joueurs du Real Boitar quitter le stade en un seul morceau…). Quoi qu'il en soit, le nombre d'équipes elfes, skaven ou humaines qu'ils devaient jouer plaisiait au coach.
Or, d’après les hurlements de ce dernier, la situation a certainement changée. Les joueurs se jetaient des regards nerveux, leurs têtes allant et venant entre leur capitaine et l’entraineur dans une expression de peur et de supplice.
- « Tholot, fais quelque chose, s’te plait. Va l’voir » - intervint Eggon, le visage empli de terreur – « faut qu’on sache ce qui se passe. On est tous flippés là ! Même les deux hommes arbres n’osent bouger ».
- « Ouais, j’vois ça mon gars » - répondit Tholot. « Tu crois que j’ai pas peur moi ? J’me suis pissé dessus quand il s’est mis à crier, tellement j’ai la frousse. Pourquoi t’irais pas toi ? »
- « Hé, c’est toi l’capitaine ! T’es le plus courageux… enfin le moins poltron d’entre nous » - répliqua le halfling.
- « D’accord, d’accord. Encore une fois, c’est à moi d’faire tout le boulot. Bordel. Si seulement j’avais écouté ma mère et serais resté à la ferme…. Au lieu de ça, j’ai suivi une bande de branques en quête de gloire. Pff, c’est pathétique. Bon, quand faut y’aller, faut y’aller. » - le capitaine se leva avec difficultés du terrain d’entrainement et claudiqua disgracieusement vers de bord de la pelouse, accompagné par les regards suppliants de tous ses camarades.
- « Coach. Sssscusez moi, l’coach, j’peux ? » - chuchota Tholot d’une voix craintive qui sortit néanmoins le coach de sa torpeur.
Ce dernier se retourna brusquement et fixa l’halfling de ses yeux de dément. Surpris et apeuré, Tholot recula en se cachant le visage des mains. Toutefois, il fut stupéfait de n’entendre aucune invective ou insulte sortir de la bouche de l’entraineur. Il fut surpris quand celui-ci s’adressa à lui d’une voix dans laquelle on pouvait lire plus de la résignation que de la colère.
- « Ah c’est toi petit. Tu viens certainement aux nouvelles. C’est encore toi que les autres envoient. Quelles lopettes franchement. » - un rictus ironique se dessina sur les lèvres de l’humain quand il tendit à Tholot le parchemin qu’il venait de recevoir. – « Tiens. Regarde ce qui vous attend. Ce qui nous attend. Lis bien ».
Le halfling parcourait le calendrier des rencontres du Real Boitar avec un regard interrogateur. Les noms des équipes ne lui disaient rien, ceux des coachs non plus, ce qui était tout à fait normal dans la mesure où lui et ses coéquipiers étaient des vrais débutants au sein de ce championnat d’élite. Le coach perçut la perplexité dans les yeux du capitaine.
- « Tu ne comprends pas, hein ? » - le questionna l’entraineur. – « Tu ne sais pas ce que ça veut dire j’imagine. Ba j’vais te le dire. On a été trahis ! La Commission a changé le calendrier de manière unilatérale, sans prévenir personne ! Et regarde maintenant. Regarde contre qui on joue. Compte le nombre d’équipes naines, compte bien les khemris, les chaotiques et autres orques ! Bordel de pisse de troll ! »
Tholot fut pris de panique. Effectivement, les races des adversaires indiquées en face du nom du Real Boitar faisaient froid dans le dos. – « coach, qu’est ce que ça veut dire ? »
D’une voix caverneuse et emplie de fureur, l’entraineur répliqua – « T’es tu déjà retrouvé face à ton pire cauchemar ? T’est-il déjà arrivé de t’effondrer de terreur rien qu’à l’annonce du nom d’un ennemi ? J’imagine que non. Bien, sache que, si vous êtes sains d’esprit les mi-portions, c’est ce qui devrait vous arriver en entendant les noms des coachs tels que Slad, Knox, Laraigne ou Fondu. Et regarde quelles équipes ils coachent ! Des tueurs ! Pire encore ! Notre prochain match c’est contre des khemris !! Et tu sais qui les entraine ?! »
- « Coach, non j’sais pas moi… » - le son strident qui sortit de la bouche de Tholot ressemblait plutôt à un couinement terrifié d’un porcinet qu’on égorge.
- « C’est ce salaud de raclure de bidet de Nicap ! Ca te dit rien non plus ça ! » - le coach rageait de nouveau – « Tu sais ce qu’elle a fait l’année dernière son équipe ?! Tu sais ?! Bien sur que non tu ne sais pas ! Ils ont tué ou estropié les trois quarts d’une équipe d’humains ! D’humains, pas d’halflings ou gobs ! Et pour le plaisir ! Juste pour s’amuser ! Regarde votre dernier match. Trois blessés et un mort face à des nains débutants ! Demande toi alors ce que l’équipe de ce boucher sardonique d’Nicap va faire de vous ! »
Sous l’avalanche des cris de l’humain, le capitaine s’assit à terre, désormais totalement terrifié. « Aie, coach. On fait quoi maintenant ? J’dis quoi moi, aux autres ? »
Le rictus diabolique revint sur le visage de l’entraineur – « dis leur qu’ils finissent leur putain d’entrainement, parce que va falloir se défoncer sur le terrain. Dis leur que, vu notre nouveau calendrier, j’parie que peu d’entre eux verront la fin du championnat dans quatorze journées. Qu’ils se préparent à recevoir des beignes, et des bonnes, hein. Mais dis leur aussi qu’il n’y aura pas de désertion ou alors ils auront à faire à moi. Et ce sera pire qu’une équipe de momies qui leur passerait sur le corps. Pour sur ! T’as compris ?! » - il finit en hurlant.
Tholot, qui reculait déjà en rampant à moitié paralysé par la peur, hocha brièvement la tête. Il eut néanmoins suffisamment de courage pour demander – « et pour le match contre les khemris demain, je leur dis quoi moi, aux autres de l’équipe ? »
Le coach s’arrêta net et son calme revint aussi vite qu’il était parti. Fixant de ses yeux durs les quelques halflings éparpillés sur la pelouse, il déclara énigmatiquement – « Va et dis leur que s’ils font ce que je leur dirai, ils s’en sortiront vivants. J’ai un plan. Un putain d’plan…. ».
A ces mots, l’halfling partit à quatre pattes en direction de ses coéquipiers. Il n’eut pas le temps de voir son coach relever la tête et regarder dans le lointain de l’horizon ni de l’entendre marmonner – « Nicap, prépare toi enflure. Tu vas prendre cher mon gars… »
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C'est ce soir. Alors à vos pronostics les branques. Le PMU est ouvert, alors pariez bien 😉
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