Duda
L’auberge était bondée.
L’homme y entra en toute hâte, emmitouflé de sa cape noire le protégeant des pluies cinglantes qui ne cessaient dernièrement de désespérer la population. L’air ambiant empestait la fumée, des odeurs acres de sueur, des parfums bon marché et d’autres senteurs étranges dont l’étranger préférait ne pas connaître la provenance.
La foule compacte de clients venue se détendre à l’auberge était composée aussi bien de dockers ou autres ouvriers venus dépenser leur paye de la journée, que de marchands aux costumes extravagants venus négocier quelque sombre affaire. Parmi ces gens, circulait tout un tas d’individus plus ou moins louches (et plus ou moins souls), ainsi que de plusieurs garces au regard las (et aux cheveux sales), légèrement vêtues, venues certainement appâter le chaland. Il était difficile de circuler dans l’établissement, et le bruit sec des verres brisés par les serveuses dépassées par le nombre de commandes se répétait à un rythme très régulier.
L’intense brouhaha donnait un mal de tête atroce à l’individu Il respira un bon coup puis pénétra dans cet amas de corps humains agglutinés, se frayant un passage du mieux qu’il pouvait, à coups de coude dans les cotes et de « pousse toi d’la gros tas ». Il ne pouvait être nié qu’avec sa grande capuche noire et son regard acariâtre, il impressionnait. Pas un seul des clients de l’auberge n’ait émis le moindre commentaire lorsque l’imposant inconnu le dégageait de son passage. L’homme avançait résolument dans l'auberge, cherchant visiblement quelque chose, ou quelqu’un. Puis, dirigeant son regard vers le fond de la salle entre deux têtes de lambins qui passaient devant lui, il les vit enfin.
Ils étaient bel et bien là.
Petits cons.
Poussant férocement deux clients enivrés, il se rapprocha rapidement d’une grande table située dans une alcôve au fond de la salle, autour de laquelle était affalé, sur des canapés et coussins au feutre bien usé, un attroupement bariolé de loustics amochés par l’alcool et les drogues, riant bruyamment des acrobaties comiques exécutées sur la table par un petit singe macaque.
Arrivé devant ce petit groupe, l’individu se crampa sur ses jambes, ôta sa capuche et mit ses mains sur ses hanches, puis il hurla de toutes ses forces : « Enfin je vous trouve bande de pochtrons ! J’ai mis la matinée à vous chercher ! J’ai fouillé la moitié des bars à putes de la ville pour vous mettre la main d’ssus ! »
Un minuscule pastiche d’humain poilu, fumant un énorme cigare, accoutré d’habits très criards dans les tons pastel et coiffé d’un grotesque chapeau jaune à plume rouge, sur les genoux duquel était assise une halfling dodue au regard bovin, dont la poitrine charnue débordait de ses vêtements bien trop courts et bien trop serrés, se tourna vers le nouvel arrivant :
- « Hééé coach ! Détendez vous et prenez un verre, c’est nous qu’on régale ! On est des stars main’nant et on profite quoi. Z’avez pas envie d’vous faire une ‘tite maigrichonne là ? Ca vous f’rait du bien » - répondit-il à l’humain ce qui souleva l’hilarité de tous ses congénères réunis autour de la table.
La monstrueuse taloche qui s’en suivit fit instantanément taire tout rire.
Le halfling qui venait de s’exprimer s’effondra, la tête la première dans l’assiette de viande posée devant lui, accompagné par l’espèce de détritus qui était assis sur ses genoux, renversant par la même occasion les nombreux verres et autres ustensiles qui se trouvaient à proximité de lui. Un bruit sourd de dents brisées se fit entendre. Le petit singe s’esquiva de la table.
- « Tu t’prends pour qui Waldi, à me parler comme ça ?! » - hurla le coach à l’halfling affalé sur la table – « Petite crotte de chacal ! J’vais te faire avaler ton impertinence par l’espèce de boîte vide qui te sert de tête !!! »
Un autre halfling prit la parole essayant de protéger son compère – « mais coach, calmez vous On fait rien d’mal, on voulait juste sortir un peu et s’amuser. On a l’droit quand même. On est connus maintenant, merde quoi. Regardez, on parie même sur nos victoires maintenant. On mérite un autre traitement, on est des stars ! ».
L’entraîneur humain se retourna vivement vers l’intervenant. Sans dire mot, il le saisit par le col, le souleva, et lui souffleta si violemment que le visage du petit homme se couvrit de sang. Puis l’individu projeta le pauvre malheureux sur le reste de ses compagnons semant le chaos parmi ces derniers.
- « Vous êtes connus ?! Vous vous prenez pour des stars ?! Mon cul oui ! Vous n’êtes rien du tout ! Le moindre gobelin un peu vicieux vous la met bien profond comme il veut ! Bande de bougres âne ! Vous êtes tout au plus qu’une curiosité, des clowns qui amusent pour l’instant la Ligue ! On va vite se lasser de vous et vous vous retrouverez très rapidement dans la merde, véroles ! ».
Il saisit ensuite l’énorme table et la renversa entière sur les joueurs halflings, provoquant cris de terreur et suppliques de la part de ces derniers.
- « Coaaach, s’il vous plait, arrêtez ! » - cria un halfling visiblement moins amoché par l’alcool que ses congénères. – « on a déconné oui, pardonnez nous, pardonnez nous s’il vous plait ! »
L’humain s’arrêta alors qu’il distribuait des baffes à droite et à gauche à tous ses joueurs - « Faire quoi, Tholot ? M’arrêter ? Mais non je ne m’arrêterai pas ! J’vais vous faire entrer une fois pour toute dans vos crânes que vous êtes toujours des moins que rien et vous le resterez ! Tant que vous ne m’écouterez pas, je continuerai à vous battre petits blaireaux impotents ! »
- « Mais coach, c’est bon, que voulez vous ? » - continuait le joueur halfling qui était visiblement le chef de la petite bande.
Le grand individu se redressa, lâcha la mi-portion qu’il était en train de battre, laquelle s’affala sur le sol la tête la première, et déclara d’un ton plus calme mais toujours coléreux – « Écoutez moi, ramassis de raclures de bidet, vous avez un match ce soir, un putain d’match ! Contre des orques, des putains d’orques !!! Et vous faites quoi au lieu de vous entrainer ? Vous vous torchez la gueule dans un rade de paumés ! Et tout ça parce que vous vous prenez pour des stars du Blood Bowl juste parce que vous avez gagné deux malheureux matchs ?! Vous n’êtes rien pour l’instant. Alors vous allez tout de suite ramener vos grosses fesses de rase-mottes sur le terrain d’entrainement, et au galop ! Sinon, j’vais faire un massacre ! »
A la suite de quoi il se remit à cogner sur les pauvres joueurs jusqu’à ce que l’ensemble de l’équipe ait quitté l’établissement mal famé.
Paraît-il que ce jour là, les habitants d’Altdorf aperçurent une bande de halflings hurlant de peur et courant à bride abattue dans les rues de la ville, poursuivis par un homme en noir leur lançant d’horribles invectives, qu’il ne sied pas de répéter ici.