Léguman
La Horde Greedesque...
Une histoire écrite dans le sang et l’horreur… Au début, un massacre. À la fin, un carnage. Entre les deux, assassinats, destructions, trahisons, tortures, pillages se succèdent avec la volonté délibérée d’aller au bout de la violence, de montrer ce que d’habitude on escamote sur les terrains de Blood Bowl. Cette description donne le ton et résume le sentiment unanime par ce déchaînement de violence et de cruauté. Jamais une équipe ne fut aussi sanglante et féroce dans l’histoire du Blood Bowl peut être. Une violence proche de la rage.
Cette équipe est une ½uvre barbare, désespérée et dévastateur entre tous, dont l’abattage du public et de l’adversaire est le résultat ultime.
Néanmoins, la plupart des critiques jugent nécessaire de dépasser cette première impression pour découvrir les véritables intentions du coach d’équipe. Ainsi, on peut dire que l’équipe, les compétences sont constamment équilibré entre un réalisme terrifiant et une sublimation due à certains effets techniques (compétences) et à un mouvement épique d’une ampleur superbe, le roster transcende en une sorte de lyrisme sauvage ce qui pourrait y avoir d’intolérable dans la précision clinique de sa description de la mort brutale et sanglante.
Allant au-delà du simple constat, nous parlons ici d’une violence folle, aveugle, qui atteint dans son paroxysme une beauté étrange. À chaque explosion de violence, les mêmes ingrédients : des cris, du sang qui fuse, des corps qui chavirent, dans un mélange de réalisme psychologique et de poésie. Le déchaînement baroque et fiévreux des prochains matchs transcende leur signification primaire, et nous fait du coup accéder à une poésie brutale. Et c’est bien par cette création du roster que de la beauté paradoxale de la mort, GreedO, dénonce la fascination qu’exerce la violence, cherchant à ce que les spectateurs dans les tribunes ressentent de la manière la plus forte, la plus terrible possible, la folie meurtrière qui peut s’emparer de l’homme, du nains, de l’elfe quel qu’il soit, de l’orque et de toutes les autres créatures que compte le monde du Blood Bowl. Dans le traitement définitif qu’il fait de la violence, GreedO est à la fois un peintre à fresque, un analyste, un poète et un pamphlétaire, car ici la violence n’est jamais traitée avec complaisance : elle est débusquée, dénoncée, condamnée… elle devient peu à peu un personnage, d’une obsédante présence, sur le terrain du Blood Bowl.
Tout ceci n’est qu’un anti-Blood Bowl, cette vision de la violence contribue à détruire une certaine mythologie de ce qu’est le Blood Bowl pour beaucoup de coach, destruction que Greed parachève en refusant le manichéisme habituel au genre.
La nouveauté, c’est d’abord l’absence totale de ce manichéisme primaire, bons d’un côté, méchants de l’autre si l’on peut dire ainsi les choses, qui fut naguère le fer de lance du Blood Bowl traditionnel. Ce n’est plus l’imagerie des terrains de Blood Bowl, mais une fresque sauvage, un chant tragique et funèbre sur les desperados en tout genre que compte ce formidable jeu de balle qu’est le Blood Bowl. Loin de la chaleur humaine d’un Halfling ou de l’implacable rigueur d’un haut elfe, la marche des quatorzes “justiciers” au final a quelque chose de grandiose et parodique à la fois, c’est une image très traditionnelle du monde Bloodbowlistique, mais dont le contenu est absolument inversé.
Plus encore, GreedO, semble, de l’avis général entraîner le Blood Bowl classique vers la sortie dans une vision nihiliste. On sent d’emblée que le créateur du roster y déverse ce mépris qu’il avait nourri depuis des années à l’égard d’un système (GW) qui – sous prétexte de rentabilité – avait vidé le Blood Bowl de ses valeurs morales (si morale il y a), en donnant à la NAF une fausse bonne conscience par le biais des sentiments édifiants, le sang et la violence devenus des gimmicks pour les professionnels du ballon ovale à pointes.
La fin d’un monde en effet, n’est plus l’enthousiasmant Blood Bowl des pionniers de 1987, la période tonique de Jervis Johnson. L’action se déroule en 2020, à l’orée d’un tournoi « La Déchéance IX », à Vincennes par des mouvements révolutionnaires, à la charnière de deux époques. Le Blood Bowl subit une mutation à laquelle ne survivront pas les inadaptés. Les joueurs travaillent à leur propre perte dans un univers qu’ils ne reconnaissent plus. Ce même Blood Bowl « d’époque » disparait devant tous. Nous sommes en 2020 et la civilisation s’installe (nouveaux rosters, nouvelles règles, nouveaux champions, GW a nouveau présent,…).
Le temps des pionniers s’achève, et les futurs matchs de ce roster rend compte avec justesse de ce changement de civilisation, mort de l’ancien Blood Bowl, mort des héros, naissance de la légende du Greed et de GreedO, tout se fond dans un mini-crépuscule des dieux, le Blood Bowl façon Greed devient opéra barbare et chant funèbre.
Les héros du Blood Bowl sont fatigués et les hors-la-loi qui forment la « horde Greedesque » sont des héros violent, agressifs, vicieux, sournois et sans pitiés, une bande de chasseurs de primes solitaires et torturé. Sans aucun sens du bien et du mal, une poignée d’ogres et de snots perdus, déjà campés dans une cabale infernale.
Le roster ne montre pas des demi-dieux invincibles dont le courage appartient à la légende, des héros très fatigués, des survivants de la grande époque, non rien de tout cela !
GreedO semble s’intéresser par-dessus tout aux coachs qui vivent à contre-courant de l’Histoire… Ici nous allons suivre un groupe de desperados lucides qui se savent perdus, anachroniques et voués à l’extinction, le contraire même des héros fordiens. Par le Greed, les héros sont des losers battus d’avance, ce qui est l’un des éléments primordiaux de la vraie tragédie. Ils ne leur reste rien à perdre. Ils trouvent dans leur combat sans cause une certaine forme de dignité. Ils sont même pour le commun des mortels une image de la condition humaine.
Chacune des équipes rivales du monde Bloodbowlistique ne peut espérer triompher qu’en éliminant les autres et GreedO joue avec un art consommé de ces retournements, ruptures de rythme et coups de théâtre. Après le massacre d’ouverture, sorte de parade meurtrière dont la force, l’impact et la splendeur sont quasiment eisensteiniennes, il va suivre la course de ces reptiles des terrains de Blood Bowl qui zigzaguent imprévisiblement entre les cases direction la zone d’en but….
Non, le but ultime n’est pas le sacrosaint touchdown mais la violence insoutenable qui sera faite…