Mille mercis ! Toujours très content d'être lu et suivi.
Et donc, la suite. Attention, c'est long :lol:
« La Lutèce est un ramassis des raclures, de crevures et de vicelards rancuniers
Et la Crew, ce sont les pires de tous »
- King Phanos
La crème de la crème
Duda était satisfait. Extérieurement, il n’en laissait naturellement rien paraitre, en affichant continuellement un visage torve et grimaçant, les lèvres retroussées, les sourcils plissés et l’½il noir, mais intérieurement, il souriait.
L’équipe venait de finir son entraiment quotidien et il les fit travailler comme rarement. Les joueurs étaient manifestement éreintés, épuisés, lessivés, et se trainaient voutés, le pas lourd, en direction du vestiaire.
- Magnez-vous les torche-culs ! – hurla-t-il en leur direction. – Pas d’flemmards. Si vous voulez bouffer, vous vous bougez ! Le dernier à la douche nettoie les godasses de tout le monde !
Jusqu’à ce jour, il n’y avait aucune raison de leur accorder le moindre répit dans les entrainements. Le coach demeurait excédé par le comportement des halflings durant leur dernier match, et il leur avait fait payer chèrement leur manque d’humilité et d’abnégation. Cela faisait plusieurs jours qu’ils suivaient des entrainements intensifs, du travail foncier, d’endurance, de force, durant lesquels Duda leur remit les idées en place à coups de beignes sur le casque et de tacles au niveau des tibias. Pour cela, il loua les services d’une équipe de mercenaires orques, portés sur le vice, lesquels se firent un malin plaisir à s’acharner sur les pauvres joueurs du Real Boitar. Fort heureusement, aucune blessure ne fut à déplorer, mais les halflings revenaient au quartier général tellement contusionnés et dans un tel état de fatigue que l’idée même de faire la fête ou de picoler n’effleurait à aucun moment leurs esprits exténués. La meilleure preuve – s’il en fallait une – de leur épuisement extrême était le fait que, au grand étonnement même du coach, cela faisait plus d’une semaine qu’ils n’avaient pas remis les pieds dans une quelconque maison de passes !
Mais leur calvaire ne s’arrêtait pas là, car, dès la collation terminée, les joueurs devaient encore assister aux séances d’analyse tactique et stratégique, lassantes à souhait, qui minaient toute envie de velléités et de protestations de leur part. Il n’était pas rare qu’un tel ou un tel s’assoupisse littéralement sur sa chaise, au grand bonheur du coach, qui les laissait alors faire. Il ne fallait pas non plus saper complètement le moral de ses protégés.
Cependant, le prochain match arrivait bientôt, et il était plus que temps de lâcher un peu la bride aux halflings. Ils devaient se requinquer quelque peu, reprendre du poil de la bête, se refaire un moral et un peu de gras. Très bientôt, ils rencontraient effectivement les impressionnants hommes-lézards – au nom d’équipe bien moins impressionnant toutefois – des Zozoruss, coachés par Harry, un nouvel entraineur dans le landerneau des coachs de la Lutèce Cup, mais dont Duda n’eut entendu que des éloges de la part de ses collègues. Face à des adversaires mêlant la puissance des saurus à la rapidité et l’agilité des skink, le Real Boitar était fort peu pourvu en armes. Et même si cela ne changeait guère des matchs précédents, Duda allait devoir ruser une nouvelle fois. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il entra dans le vestiaire à la suite de ses joueurs, il déclara :
- Au fait les gars. C’est repos cet après-midi ! Et ce soir vous avez quartier libre, amusez-vous bien !
Des hourras et des vivats accueillirent cette déclaration de l’entraineur et des sourires francs et joyeux apparurent sur les visages fatigués et embourbés des halflings.
- Oh putain, coach, j’pensais que vous nous lâcheriez jamais la grappe ! – s’exclama un Sherlock enhardi.
- Hé, les bleu-bites ! – reprit le coach. – Mais c’est pas une raison pour vous mettre totalement à l’envers non plus ! J’veux vous voir de retour pour la nuit. La bringue jusqu’au petit matin c’est terminé, bande de soiffards ! Compris ?!
- Pas d’soucis. – riposta Mirfu enjoué. – On vous promet coach, on s’ra d’retour à minuit.
- Oué, minuit ! Et s’t’perds ton soulier, Mirfu, l’prince va t’retrouver et tu vas t’l’épouser, mon con ! – intervint Calben d’une voix roque, alors que les autres joueurs s’esclaffaient de concert.
- Par contre, vous surveillez bien les deux vieilles branches alcooliques, hein. – prévint l’humain. – Pas de conneries avec eux, j’veux les voir frais demain !
- Vous v’nez avec nous ? – demanda Sherlock tout hilare.
- Ouaip. Naturellement mon gars. – répondit l’humain avec franchise.
C’est alors que quelqu’un toqua timidement à la porte du vestiaire. Un jeune coursier entra et l’entraineur avisa immédiatement – avec une appréhension certaine – le logo de la Lutèce Cup cousu sur le veston de celui-ci. Le messager s’inclina avec maladresse, redressa la tête et annonça d’une voix craintive, visiblement mal à l’aise :
- Pardon M’sieurs, mais j’ai une lettre pour vous.
- Pour nous ? D’la part de qui, d’abord, gamin ? – l’admonesta vivement l’entraineur en croisant les bras.
- Pardon, pardon, j’aurais du l’dire avant, pardon. – Les regards apeurés que leur jetait le nouvel entrant firent sourire les halflings. Le coursier donnait l’impression qu’il allait fondre sur place, sous le regard implacable du coach. – C’est que… euh…
- Accouche, merde ! – mugit Duda en se rapprochant du jeune homme. D’un geste brusque, il s’empara du courrier que tendait le messager, qui s’était recroquevillé sur lui-même en tournant le visage et en fermant les yeux, comme s’il s’attendait à recevoir une violente gifle.
- Arrête de paniquer, l’mioche. On va pas t’frapper. – reprit le coach d’un ton plus calme. – Enfin pas encore.
Il déplia la missive et pesta horriblement. Les halflings se regardèrent circonspects, les mines devenues tout à coup plus sérieuses.
- Qu’est ce qui se passe coach ? – demanda Tholot soucieux, alors que le jeune coursier reculait sur les talons en direction de la sortie, tout en observant l’humain avec frayeur.
- Ha les raclures ! J’en étais sûr. – répondit l’entraineur, manifestement fort contrarié. – Les mecs, va falloir que je reporte ma sortie avec vous ce soir. J’suis convoqué par la Crew. Bordel.
- Oh merde ! – Eggon jura d’inquiétude. – Ca sent les ennuis.
- Des putains d’ennuis, oui. – conclut le coach en froissant le courrier de rage.
***
Suite à cette missive, l’état d’esprit de Duda changea radicalement. Envolées la satisfaction et les certitudes, les plans fourbis mis au rebut ; désormais ses pensées étaient assaillies de doutes et d’idées lugubres. Il était convoqué par la Crew, personnellement convoqué, ce qui présupposait des difficultés structurelles d’ordre majeur pour lui et son équipe. Certes, les officiels de la Ligue avaient mis le ton dans leur courrier, ils avaient manifestement le sens de la formule : « Cher Ami, nous souhaitions vous exprimer tout notre bonheur de vous voir de nouveau parmi nous… Nous vous invitons, si toutefois votre précieux emploi de temps le permet, à nous entretenir avec vous sur certains sujets d’ordre administratif concernant la participation de votre équipe à notre illustre championnat… Nous serions honorés si vous vouliez bien vous donner la peine de venir nous rencontrer… Nous vous saurions gré de bien vouloir nous indiquer si vous seriez disposé de nous rendre visite ce jour ou si, à défaut, une autre date de rendez-vous aurait votre préférence. Restant vos obligés… ». Foutaises ! Il s’agissait ni plus ni moins d’une convocation en bonne et due forme ; un ordre lui commandant de venir se prosterner devant la Commission de la Ligue, devant ces Messieurs de la haute, une sommation de venir les écouter palabrer en proférant des injonctions, une menace à peine voilée, un vrai ultimatum ! Voilà ce que c’était. Duda n’était pas dupe, ces escrocs de la Crew voulaient quelque chose de lui, et il pressentait au fond de ses tripes, que ce quelque chose allait lui coûter cher, très cher.
Et à cela s’ajoutait l’autre problème, naturellement…
Au regard du nombre de blessés et de commotionnés graves dans son équipe, et en prévision du match physique et âpre qui approchait, le Real Boitar devait faire appel à des remplaçants temporaires. Cette situation mettait Duda dans l’embarras. La solution de facilité consistait à approcher le premier halfling morveux qui passait et qui savait à peu près mettre un pied velu devant l’autre, à le faire boire (beaucoup boire) en lui promettant monts et merveilles, afin qu’il signe naivement un contrat de mercenariat. Mais cette perspective ne satisfaisait pas le sournois humain. Face à la puissance et la férocité de leurs futurs adversaires, le Real Boitar avait besoin d’un soutien concret, d’un joueur talentueux, d’une épine dans les pattes adverses. Cela signifiait qu’une seule chose, il fallait aller une nouvelle fois quémander l’aide de ce fat vaniteux, prétentieux et malodorant de Puggy. Ils n’avaient pas le choix.
Alors, l’entraineur était furieux, tout naturellement. Il ruminait sa rage, il serrait les poings et crispait la mâchoire, en se rendant au centre-ville, au célèbre et luxueux hôtel Plaza Lutetia, où séjournait actuellement la vedette halfling. Il était d’autant plus excédé que pour arriver dans le fastueux quartier bourgeois où se situait le palace, il dut se frayer un chemin à travers la dense foule de citadins, de marchands ambulants, de mendiants loqueteux et de simples routiers, grouillante au centre-ville, venue en masse dans la capitale attirée par les fastes et la splendeur du championnat de Blood Bowl local. Le milieu de la saison approchait et il était de notoriété publique que les matchs déterminants, les plus âpres, les plus violents et donc les plus spectaculaires allaient se jouer précisément à cette époque de l’année. Ainsi, un nombre incalculable de curieux avait afflué vers le bourg, amenant avec eux tout un fatras d’affaires personnelles, d’équipements divers et variés, d’ustensiles, de produits manufacturés, voire d’animaux, un amas de bric et de broc destiné soit à la vente soit aux besoins propres des voyageurs. La cohue et le vacarme ambiants étaient insupportables, le centre-ville palpitait bruyamment tel le c½ur d’un monstre hideux à l’agonie, dont le cruor s’échappait à gros bouillons de ses plaies et répandant de son ventre ouvert tripes de boyaux sanguinolents. L’air empestait atrocement, les relents d’haleine et de transpiration âcres s’associaient aux effluves d’excréments animaux. Les rues étaient transformées en une fange nauséabonde de boue et de pisse mélangées et les cris paniqués des bêtes menées aux abattoirs couvraient le bourdonnement continu de milliers de voix humaines et non-humaines – colporteurs, rabatteurs, cochers – hurlantes à gorges déployées pour tenter de se faire comprendre dans ce maelstrom de civilisation déchaînée.
Bref, lorsqu’il arriva à l’hôtel, Duda était passablement remonté. Agacé par la tournure des événements, frustré par les problèmes que rencontrait le Real Boitar et excédé par l’atmosphère ambiante de la ville – même s’il devait avouer que la richesse de la Ligue, et donc de ses équipes, était principalement due à ces mêmes pécores, venus en masse dépenser leur argent à la capitale. Malgré tout, il avait les nerfs à vif et il ne fallait surtout pas le titiller de trop. Alors le petit blondinet prétentieux à l’haleine de chacal avait l’intérêt à faire gaffe, à faire très attention, où leur rencontre risquait de mal se passer. Et effectivement, celle-ci ne démarra pas sous les meilleurs hospices, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il rencontra Puggy dans la suite que celui-ci occupait au dernier étage de l’hôtel, alors que la star, emmitouflée dans un soyeux peignoir, d’une blancheur immaculée, était en train de congédier une jeune femme en l’admonestant vertement pour une broutille plus qu’insignifiante. Il alla se servir un verre de cognac, dans une carafe en cristal posé sur la table basse du salon, puis se tourna vers l’entraineur en soufflant bruyamment, manifestement fâché :
- Ah ces domestiques ! Quels imbéciles. Puggy avait demandé les services d’une esthéticienne, et ces pécores m’envoient une gourdasse que ne sait même pas faire la différence entre un stimulation de collagène et un lifting volumétrique ! Et ça se veut être un hôtel de luxe ça !
- Hey mec, c’est pas une domestique, la demoiselle. – le coupa le coach. – Faut traiter gentiment le service de chambre, sinon la prochaine fois, tu vas t’retrouver avec un bon gros mollard dans ta soupe, mon vieux.
- De quoi ? – Puggy cligna des yeux, étourdi en avalant d’une traite le contenu de son verre. – De quel droit ils se permettent de ne pas répondre aux strictes exigences de Puggy, ces pouilleux ! Ils savent qui est Puggy ? Savent-ils, ces misérables vermines, quel immense honneur Puggy leur accorde en séjournant dans leur bicoque miteuse ?
- Arrête tes jérémiades. Pas avec moi. – siffla l’entraineur. – J’suis pas venu t’écouter pleurer sur ton pauvre sort, petit.
- Il veux quoi encore celui-là, hein ? – pouffa le halfling. – Encore un service à demander ?
- Non, plutôt un arrangement à te proposer. Le Real Boitar joue demain, et il nous manque un joueur sur la feuille de match. – allusionna Duda sereinement.
- Oh non ! – s’esclaffa le joueur. – Puggy ne se fera pas avoir deux fois. Il n’oubliera pas de sitôt la manière abjecte avec laquelle il a été traité par ces saligauds du Real, ça non ! Jouer pour ces minables est indigne de l’aura et de la gloire de Puggy !
- De quoi tu parles ? – répondit le coach incrédule en plissant les yeux, surpris par la réaction de son interlocuteur. – Qui c’est qui t’a mal traité ? Qu’est ce que tu racontes comme conneries encore ?!
- Puggy a fait gagner le match et quels remerciements il a reçu ? Rien du tout, du vide et du néant. Pas un seul bouquet de fleurs, pas une seule boite de chocolats, même pas un malheureux châle en soie ou un peigne en or ! Et il a lu les coupures de presse ! Il a lui les déclarations ! C’est honteux, révoltant, proprement scandaleux ! – s’époumonait la vedette.
- Holà, du calme bonhomme. – le coupa net l’entraineur. – Arrête ce crique où ça va mal se passer entre nous. T’as eu ton pognon, non ? T’as pu faire ton show devant les caméras, t’es revenu à l’affiche. Et grâce à qui ? Tu voulais quoi de plus ?
- Pouah. – fit Puggy en agitant la main avec dédain. – Qu’est ce que cela a apporté à Puggy ? Quelques malheureuses piécettes et rien d’autre. Depuis, Puggy n’a reçu la moindre proposition de contrat, aucune équipe ne s’est manifestée, aucun agent ni coach ! Non, Puggy n’a pas joué depuis et c’est d’leur faute, à ces gruaux du Real Boitar.
- Mais t’es con ou quoi ? – jura l’entraineur, dont l’agacement était maintenant nettement visible. – Personne ne t’a embauché parce qu’aucune équipe ne voulait de toi. Mets-toi ça dans la tête !
- Il raconte des idioties ! – glapit le halfling. – Puggy aurait pu jouer pour n’importe quelle autre équipe halfling ! N’importe quelle autre, mais la mauvaise presse qu’il a reçu – à cause de qui il se demande bien – a manifestement nui à sa notoriété !
- Mais il n’y a pas d’autre équipe halfling ! – hurla le coach, excédé. – Nous sommes les seuls pour qui tu peux jouer, espèce de connard prétentieux ! Personne d’autre ne voudrait embaucher un pédant maniéré et arrogant, qui s’avère – qui plus est – être un minable halfling bedonnant qui sait à peine jouer à la balle !
La diatribe de l’entraineur coupa le souffle à la vedette, qui s’assit lourdement dans le canapé en cuir blanc, posé au milieu du salon, le visage enfoui dans ses mains, et soupira d’affliction. Mais l’humain ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits ni de trop ruminer ses paroles.
- J’viens te proposer d’intégrer l’équipe pour le prochain match. Des hommes-lézards. Le montant des émoluments reste naturellement inchangé. C’est à prendre ou à laisser Puggy. Et je veux la réponse tout de suite. – annonça sèchement Duda.
- Puggy n’a que faire de leur argent ! – jappa le halfling en relevant la tête. – Puggy est une star, une vedette immense et il jouera, mais pas pour ces bouseux du Real Boitar !
- Réfléchis bien, mon gars. – reprit le coach posément. – Avant de venir, j’ai croisé le directeur de l’hôtel. Tu leur dois une sacrée ardoise, dis-moi. Avoue. T’as pas pu t’empêcher, t’as tout dépensé en putes et alcool, non ? T’es déjà tout claqué et t’es à sec. C’est pour ça que tu gueules. – déclara-t-il, un sourire sarcastique lui déformant le visage.
- De quel droit ils osent réclamer quoi que ce soit à Puggy ! – s’écria la vedette en bondissant du canapé. – La seule présence de Puggy dans cette baraque minable devrait les honorer ! Ils devraient remercier Puggy qu’il a daigné s’intéresser à leur établissement de pouilleux !
- On arrête de rigoler, et tout de suite. – Duda lui coupa la parole une nouvelle fois. – Cent-quarante mille, comme la dernière fois, et pas un liard de plus, compris ? – Le halfling le regarda pensif et voulut rétorquer quelque chose, mais fut pris de cours par le coach qui reprit :
- Rien à foutre de ce que tu penses, rien à foutre de tes états d’âme. Demain, t’es au stade, un point c’est tout. Ou alors, pas d’pognon, et plus jamais tu ne reverras ma tronche. Tu pourras venir chialer dans mes basques que j’lâcherai les clébards sur toi. Donc réfléchis bien… Ah, et une dernière chose, si jamais tu me refais le même numéro que la dernière fois, si jamais tu fanfaronnes encore sur le terrain et qu’on s’prend un touchdown à cause de toi, tu verras alors la véritable gueule de la colère. – Sonclut le coach sur un ton sardonique en tournant le dos à Puggy et en sortant de la suite, sans un regard en arrière.
Duda quitta l’hôtel certain que ses arguments avaient fait mouche. Il ne doutait pas de revoir demain la trogne vérolée de cet insolent petit merdeux. Toutefois, il ne décolérait pas. En effet, il lui restait une chose à faire, une chose qu’il redoutait plus que tout, une chose qui lui mettait les nerfs à vif, l’accablait et l’agaçait au plus haut point, telle une mouche bourdonnant autour de la croupe d’un hongre – il devait revoir ses amis de la Ligue.
Le mauvais pressentiment ne le quittait pas, alors qu’il dut traverser la ville une nouvelle fois, cette fois-ci dans l’autre sens, pour se rendre au principal lieu de ralliement de la Commission de la Ligue, ou la Crew – comme appelaient cet organe décisionnaire les initiés et autres prétendants du petit cercle lutécien. Les officiels de la Ligue avaient en effet l’habitude de tenir leurs séances dans la charmante petite taverne appelée La Mémère qui Boit, située dans le vivant et populaire quartier de la Sacréecorne, au nord de la ville. Elle était tenue par Laraigne, un ancien officiel de la Lutèce, personnage en apparence très sympathique, espiègle et agréable, désormais reconverti en tenancier, et également coach à mi-temps dans le cadre du championnat. Mais Duda ne connaissait que trop bien le caractère vicieux et retors du personnage. D’ailleurs, il connaissant parfaitement l’esprit maléfique, véreux et pervers de l’ensemble des membres de la Crew. Une belle bande de crevures dégénérées ! Et il allait devoir les rencontrer, il allait devoir se prosterner devant eux, les écouter persifler et acquiescer à leur moindre exigence. Ça le mettait en rogne !
Le soir était déjà bien avancé lorsque Duda se présenta à la porte de l’établissement. Malgré le froid, l’ambiance était aux festivités, les rues regorgeaient de fêtards décadents, avides d’étancher leur soif, de perdre leurs maigres économies et d’oublier leurs soucis et crispations dans les bars, rades et troquets environnants. Néanmoins, personne n’entrait ni ne sortait de La Mémère qui Boit. Les promeneurs évitaient le bâtiment et changeaient même de trottoir en accélérant le pas lorsqu’ils s’approchaient de celui-ci. Toute la ville connaissait l’endroit, le respectait et le craignait en même temps. Tout le monde savait que certains soirs, l’établissement était strictement réservé à la Crew. Et ce soir, c’était justement une de ces soirées. Pourtant, la taverne avait l’air close, et seuls les bruits feutrés de verres entrechoqués et de rires gras permettaient à Duda de comprendre que les membres de la Crew étaient bel et bien présents, et qu’ils l’attendaient dans une ambiance qui devait, à coup sûr, sentir les effluves de franche camaraderie – cette même camaraderie qui réunit les hommes sur les plateformes de forage – mais aussi, de rigolade, de bière, de poils de barbe et de transpiration. Ça promettait !
Le coach prit une profonde inspiration, souffla, puis poussa la porte d’entrée. Il fut accueilli par deux gardes de corps imposants qui se levèrent de concert puis, l’apercevant, s’inclinèrent bien bas en le priant d’entrer et de se mettre à l’aise. Duda ne prit pas la peine d’ôter sa houppelande. – Ce ne sera pas long les gars. – leur dit-il la mine sévère. – Du moins, je l’espère.
Il entra dans la salle principale, qui avait quelque peu changé depuis sa dernière visite. L’endroit était sobrement meublé, avec goût, dans un style citadin moderne, très en vogue. Dans l’air, Duda perçut les relents d’alcool, de fumée de cigares, de rillettes et de sardine grillée. Assis derrière une volumineuse table en bois de cèdre sur laquelle reposait un amoncellement hétéroclite d’assiettes, de plats, de chopes et de verres vides, les membres de la Crew l’attendaient avachis sur leurs sièges, les mines réjouies, les regards brouillés, laissant deviner une forte consommation de bières et de liqueurs diverses. Connaissant l’appétence de ces individus pour les produits euphorisants, et leur capacité d’ingurgitation exponentielle, Duda se dit que l’affaire se compliquait grandement. Il n’était pas sorti de l’auberge, au sens littéral même du terme !
Ils étaient tous là, tous, ils l’attendaient, impatients, les saligauds. Au centre trônait la carvasse imposante de Budmilka, l’illustre président, qui dévisageait fixement le nouvel entrant d’un regard fier, souverain, impérial, sûr de sa position et certain de sa supériorité, surtout après la déculottée que son équipe infligea au Real Boitar. Il était flanqué, de chaque côté, par ces crevures de frangins – le taciturne et énigmatique Pedro, à la mine calme et impassible, et cette belle gueule exubérante de Nicap, à la chevelure abondante et au sourire captivant – aussi différents l’un de l’autre que le jour et la nuit. Cette raclure d’elfe noir de Dritzz était là aussi, souriant méchamment, une bouteille de bière à moitié vide dans une main, un cigare estalien dans l’autre. A sa gauche se tenait ce géant dandy de Melphios, toujours si impeccablement vêtu, à la barbe soyeuse et à la mine enjouée, mais dont le sourire placide et amical ne pouvait duper Duda – la réputation du colosse n’était plus à faire, surtout après le massacre récent perpétré par ses joueurs contre une équipe d’elfes noirs. De l’autre côté, cette vieille fouine de Lerpopre s’agitait nerveusement, lançant des regards à la dérobée et gloussant malicieusement, certainement d’un mauvais coup que son cerveau torturé était sur le point de mettre en place. A sa droite, avachi sur la table, la tête reposant dans un plat d’huitres et de la bière renversée dans le chaume éparse et rare lui restant sur le haut du crâne, dormait en renflant ce pervers immoral d’Eddie. Enfin, à chaque bout de table, séparés par la glorieuse assemblée, étaient assis les deux pires meilleurs ennemis, l’Alpha et l’Omega de la Ligue, les deux faces d’une même pièce, le Charybde et Scylla de la Lutèce, les célèbres stratèges SSB et Azzroag, si opposés et pourtant si complémentaires, qui se reluquaient de temps à autre en chiens de faïence.
- Hooo ! Il est arrivé ! Il est enfin là ! Duda ! – s’esclaffa Melphios sur un ton amical. – Prends un verre et assieds-toi mon grand !
- Salut les gars. – répondit timidement l’entraineur en inclinant poliment la tête. – Merci Melphios, mais tu sais que je ne bois plus.
- Allé, te fais pas prier ma couille. – jappa Nicap, la bouche tordue par un rictus railleur. – Tu vas pas nous faire le coup d’la fausse modestie. On t’connait trop bien Duda !
- Ouaip. Vous m’connaissez, c’est certain. – constata calmement ce dernier. – Du coup, vous vous doutez de ce que j’vais demander.
- Ce pourquoi on t’a prié de venir. – intervint Budmilka en se penchant en avant. – Détends toi, y’a aucun problème. Je te rassure. Considère ceci comme une invitation amicale de la part de très vieux amis.
- Merci Bud’, mais moi aussi, j’vous connais un peu. – répliqua l’entraineur, une grimace lui déformant les traits. – J’suis très heureux de revoir vos sales tronches les gars, vraiment. – Il sourit en les regardant chacun droit dans les yeux, puis il reprit : - Mais ne me dites pas que vous m’avez ordonné de venir juste pour boire un coup avec vous.
- Ordonné, tout de suite les grands mots… - fit Lepropre en feignant l’outrage. – On ne peut t’obliger à venir…
- Mais bien sûr. – le coupa Duda, pensif. – Allez les gars, accouchez. J’ai un match demain, et faut encore que j’aille chercher mes joueurs qui sont certainement en train de se retourner les gueules dans un rade de paumés. S’il vous plait.
Les membres de la Crew se regardèrent les uns les autres, certains en faisant la moue, d’autres en soupirant. Personne ne semblait vouloir prendre la parole en premier. Finalement, Budmilka déclara :
- SSB, tu peux présenter au coach ce qui nous préoccupe, si tu veux bien ?
- Tu sais Duda… - commença alors SSB. – ce n’est pas si simple en réalité, à bien t’expliquer…
- Si, ça l’est ! – rugit soudainement Azzroag en jetant un regard noir à son camarade à l’autre bout de la table.
- Non, ça ne l’est pas ! – reprit SSB agacé, en montrant les dents à son compère.
- Si, tu dis n’importe quoi ! – monta d’un ton Azzroag.
- Non ! – siffla SSB
- Stop, arrêtez ! – tonna impérieusement Budmilka. Putain les gars, vous voulez pas vous lâcher la grappe un moment ? Merde.
- C’est lui qui a commencé. – répondit SSB la mine boudeuse.
- Non, c’est pas vrai d’abord ! – répliqua Azzroag, courroucé.
- Bon, on va pas s’en sortir… - Le président poussa un juron en geignant.
Fort heureusement, le débat qui s’annonçait, d’ores et déjà, bien chaotique, fut interrompu par l’arrivé salvatrice de Laraigne, qui portait un énorme plateau rempli de victuailles et de boissons diverses.
- Holala, mais qu’est ce que c’est que ces cris les enfants ?! – fit-il d’une voix espiègle. – Vous voulez pas laisser ce pauvre Duda tranquille, non mais. Salut mon grand, au fait. – dit-il à l’attention du coach.
- Salut mon Laraigne. – lui répondit ce dernier en souriant. – Heureux de te revoir.
- Tiens ! Mange moi ça et dis moi si c’est bon ! – reprit le patron de la taverne en posant devant l’entraineur une grande assiette de salade de céleri parsemée de raisins blancs et de copeaux de jambon sec, nappée d’une sauce au parmesan qui répandait un fumet fort agréable. – Oh, non, ne dis rien, je sais que c’est bon ! – conclut-il en pouffant, puis partit remplir de bière les cruchons que lui tendaient avidement les membres de la commission.
- Et si nous reprenions, les mecs ? – proposa Duda en entamant son plat. – Expliquez-moi, par pitié.
Ce fut Perdo qui prit alors la parole, d’une voix posée et régulière, comme à son habitude, les coudes bien calés sur la table, les mains jointes, le menton reposant entre ses deux index.
- La réalité, c’est que tu nous mets dans l’embarras, Duda.
- Comment ça ? – lui demanda le coach, surpris. – Qu’est ce qu’on a encore fait ? Ne me dites pas que vous m’en voulez pour cette histoire de cuistot ! Tout est dans les règles, on a été contrôlés par vos sbires…
- Non, ce n’est pas ça mon pote. – réagit Dritzz en expirant un énorme nuage de fumée de cigare. – Dépenses ta thune, vieux !
- De quoi, quelle thune ? – Duda plissa le front, pressentant tout à coup une entourloupe de la part de la Crew.
- Duda, mon p’tit. – reprit Pedro calmement. – Tu sais que nous contrôlons parfaitement les finances de la Ligue et des équipes participantes. Nous savons précisément combien le Real Boitar a dans ses coffres, combien l’équipe a gagnée en émoluments de matchs et, naturellement, combien nous vous avons versé de primes.
- Et alors ? Depuis quand il est interdit d’amasser du pactole ? – les questionna l’entraineur, incrédule, et quelque peu contrarié. – Faut bien que je mette de côté, de quoi permettre de remplacer mes blessés, que vous vous mettez un malin plaisir d’estropier qui plus est ! Hein, Bud ?! – lança-t-il à l’attention du président.
- Les blessures, ça fait partie du jeu. – répondit ce dernier, laconiquement.
- Mais cassez lui la gueule à ce p’tit con ! – brailla tout à coup Eddie, qui venait de se réveiller soudainement, les yeux dans le vague et la voix déraillée. – Et ram’nez les gonzesses ! On s’fait chier ! – Puis il s’affala de nouveau sur la table et s’endormit immédiatement. Tous les participants se regardèrent quelques secondes, dubitatifs, et une fois certains qu’Eddie était bien assoupi de nouveau, ils reprirent le débat.
- Duda, tu n’as pas compris. – intervint Pedro, posément. – Ce n’est en aucun cas un ordre. Nous te demandons en amis, tout simplement. S’il te plait, dépenses un peu du magot que le Real a amassé depuis le début du championnat. Tu as un quart de million dans les coffres. C’est une somme plus que rondelette…
- Sans compter ce qu’on t’a déjà versés en primes de match, mec ! – renchérit Nicap de manière bravache. – Un million et demi de primes de match ! Putain, avec ça, même pas la peine de les jouer, tes matchs !
- Non mas attendez. – réagit Duda en plissant les yeux. – Les primes de match, ça fait aussi partie du jeu, comme les blessures, non ? Vous n’avez pas le choix, vous devez nous les verser.
- Putain oué, mais merde, un million et demi quoi. – continua Nicap. – Tu te rends compte ?
- Duda, ce qu’on veut dire c’est qu’on souhaiterait que tu y mettes du tien aussi. – Melphios prit la parole et de sa voix gutturale. – Garder trop de trésorerie en banque, ce n’est pas bon pour le commerce.
- Ba merde, et moi qui vous prenait pour des sportifs. Je ne savais pas que vous étiez de vulgaires marchands d’savon. – l’expression du coach se para d’ironie.
- C’est le business. – reprit Pedro stoïquement, sans relever la pique lancée par Duda. – L’argent appelle l’argent. On a pas besoin de t’expliquer ça.
- Ça va Perdro, tu vas pas m’la faire. – siffla l’entraineur halfling. – Avec tout ce qu’on attire de supporters et de médias, tu ne vas pas me dire que le Real ne fait pas gagner de l’argent à la Lutèce Cup.
- Mais bien sûr que si. Et nous vous remercions pour cela, toi et tes joueurs. Néanmoins, faut faire fructifier notre entreprise. – réagit Budmilka d’une voix grave. – Il faut faire un appel d’air, il faut que nous, les coachs de la Ligue, nous encouragions la dépense. Il faut que l’argent tourne, c’est ce qui fait que les gens dépenseront encore plus de leurs économies pour venir voir les matchs, et c’est ce qui nous permettra de faire encore plus de publicité, plus de presse, plus d’intérêt de la part des sponsors, donc plus de fric. Plus de fric pour nous tous, Duda. Pour toi et ton équipe aussi. Faut vraiment qu’on te fasse un dessin ?
- Mouais. – répondit Duda, dubitatif, en faisant la moue.
- Ecoutes. On te le demande gentiment. T’as un quart de million de pactole. Dépenses un peu. Embauches une petite vedette, corrompt quelque arbitre, prends un sorcier, j’sais pas moi… - proposa SSB.
- Il n’est pas obligé ! – objecta alors vivement Azzroag.
- Je sais qu’il ne l’est pas ! – lui répondit son compère à l’autre bout de la table. – C’est une proposition. En toute amitié, Azzroag, tu ne comprends pas quoi dans le mot proposition mon ami ?
- Ce que j’comprends c’est que tu peux t’aller faire mettre avec ta proposition, en tout amitié aussi, naturellement. – surenchérit Azzroag.
- Ça suffit ! – tonna une nouvelle fois Budmilka. – Merde à la fin ! Duda, c’est sérieux comme demande. Ecoutes, ça se sait de partout que vous roulez sur l’or. Toute la presse parle des émoluments que la Ligue vous verse en primes de match. Et pour l’instant, t’as quasiment rien dépensé. Ça commence à chauffer. On a la Guilde des Sorciers au cul, mec. Ils nous ont envoyé hier un représentant, qui a fait part des doléances de son ordre qui s’étonne que personne n’a encore fait appel à leurs services. On ne veut pas de problèmes avec eux. J’veux surtout pas avoir à gérer une protestation de ces connards orgueilleux.
- A ça s’ajoutent les stars aussi. – ajouta vivement Lepropre. – Eux aussi gueulent que quasiment personne ne les embauche. Ils parlent de faire un piquet d’grève si ça continue. Un piquet de grève, sérieux quoi !
- Tu comprends mieux, maintenant ? – demanda posément Pedro. – D’autres intérêts sont en jeu. Des intérêts qui nous dépassent tous, personnellement. C’est d’la Ligue qu’il est question.
- Mouais. J’ai pigé. J’vais voir ce que j’peux faire. – répondit pensivement Duda en retroussant les lèvres. – Je ne promets rien.
- Promets au moins d’y réfléchir, mec ! – lui lança opportunément Dritzz.
- Et puis, tiens ! – susurra Lepropre en sortant de sous la table deux lourdes sacoches en cuir, remplies de pièces d’or. – Peut-être que ça t’aidera à réfléchir. – Il ponctua son assertion par un clin d’½il malicieux.
- Et c’est en quelle honneur ? – lança l’entraineur avec circonspection soudaine. – Le montant de la prime pour notre prochain match nous a déjà été versée.
- Ne t’inquiètes pas. – Le scepticisme de la remarque de Duda n’échappa pas à Perdro. – C’est un petit complément. Deux cent mille pièces d’or. De quoi pouvoir corrompre utilement un arbitre, et pas qu’une fois…
- Y’a rien d’illégal là-dedans. – surenchérit Budmilka. – Dans la mesure où c’est nous qui décidons. Naturellement, pour des questions d’égalité des chances, la même contribution a déjà été versée à ton adversaire. Pour ta gouverne, il a accepté le pactole. En nous remerciant bien bas. Alors, tu promets d’y réfléchir ?
- Oué sur, avec ça, je peux réfléchir. – répliqua Duda en s’emparant des deux sacs, un sourire incisif se dessinant sur ses lèvres. – C’est tout, les gars ? Rien d’autre à m’imposer ?
- Oh, Duda, nous ne t’imposons rien, tu le sais. – répliqua Budmilka. Restes avec nous, si tu veux bien. On a d’autres sujets à traiter ce soir, et ton regard pourrait nous être utile.
- Ouep, faut qu’on parle d’autres points. – renchérit Lepropre d’une voix aigüe. – On a ce cas épineux à traiter, avec le troll matheux là…
- Y’a aussi le problème de la tenue des Nec Plus Ultra ! – s’esclaffa Azzroag. – C’est pas réglementaire !
- Si, ça l’est, c’est dans le règlement ! Avec tout le respect, tu connais le règlement ? – lui répondit vivement SSB.
- Oui, je connais. Et j’pourrais même te le foutre là où j’pense, ton règlement, avec tout le respect aussi. – brailla Azzroag.
- Ah oué, essaies un peu pour voir ! – SSB montra les dents dans un affreux rictus, en se levant de sa chaise. Azzroag l’imita, les autres membres essayant tant bien que mal de retenir les deux compères.
- Ouééé, d’la bagarre ! Amenez-moi mon fouet ! – hurla tout à coup Eddie, de nouveau réveillé. – Allé les copines, ils sont où mes gants en latex cloutés ?
- Mais vous allez la fermer, bordel ! – grondait méchamment Budmilka en martelant la table avec sa chope. – Vos gueules, merde !
Duda profita de la confusion pour s’éclipser le plus discrètement possible et sortir rapidement de la taverne avant que les commissaires aient pu constater son absence.
- Dépenser note thune. Tu parles. Et puis quoi encore ? Vous me prenez vraiment pour un couillon. – lança-t-il par-dessus son épaule alors que la porte de sortie de la Mémère qui Boit s’était refermée. – Même pas en rêve, les mecs !
***
De retour au Crampon Doré, Duda eut la désagréable surprise de constater qu’aucun joueur de l’équipe n’était de retour, malgré l’heure très tardive. Passablement agacé, il remit sa houppelande et, jurant sous cape, s’enfonça dans la fraîcheur de la nuit. Il les retrouva naturellement à la Dryade Frivole, les uns plus éméchés que les autres, effondrés sur les canapés de l’établissement, tenant fermement dans leurs petits bras potelés qui une chopine, qui une copine, qui enfin une terrine. La colère crut brusquement en lui, tel l’éclair vengeur surgissant des doigts d’un mage céleste, alors qu’il avisait la bande d’ivrognes oisifs et replets qui lui servait d’équipe et avec laquelle il devait composer depuis plusieurs mois. Il les aimait pourtant, ces crétins puérils et revêches. En son for intérieur, en tant que leur ami, il était prêt à leur pardonner tous les écarts de conduite, tous les excès, les abus et l’absence totale de discipline. Mais pas en tant qu’entraineur. En sa qualité de coach, il était de son devoir – et même si ça lui pesait souvent – de remettre les idées en place à ces canailles irascibles, de leur inculquer le respect de l’ordre et de la discipline que nécessitait une compétition de haut niveau. C’est la raison pour laquelle, il gronda en se campant au milieu de la pièce, les mains sur les hanches :
- Qu’est-ce que vous foutez là encore, espèces de loques putrides ?! A quelle heure vous deviez rentrer au Crampon Doré, tas de fientes décérébrées ?!
Cette fois-ci, les halflings n’étaient pas même en état de réagir d’une quelque manière que ce soit à la réprimande de leur entraineur. Certains joueurs gémirent en se retournant, d’autres protestèrent en couinant, d’autres encore n’avaient pas même la force de lever une paupière lorsque le coach se déplaça de l’un à l’autre en distribuant claques et beignes. Mais c’était peine perdue, les halflings gisaient, impavides, les corps flasques, leurs regards porcins obscurcis par un voile de vapeurs d’alcool et de produits stupéfiants, et n’arrivant à s’exprimer que par borborygmes.
- Vous allez lever vos gros culs de là et remonter dans la Phantom, petits merdeux ! On a un match demain, vous avez oublié ?! – leur hurlait le coach aux oreilles. – Et où sont Cendrechêne et Grisfrêne, bordel ?!
Une main tremblante se leva difficilement de la masse des halflings avachis dans le salon.
- Quoi, qu’est ce qu’il y a, Tholot ? – questionna le coach en ce jetant vers le capitaine de l’équipe et en le saisissant vigoureusement par le revers de sa chemise. – Parle, vieille corne, où je te ferai boire d’la pisse de rat jusqu’à ce que t’aimes ça !
- Lllleeeessss… homm-arb’…. Là-basss…. – souffla le vétéran halfling dans un râle souffreteux et infect, en désignant la porte du fond de l’établissement. – Jjjardin…
- Putain, salopards, je vous avais pourtant dit de les surveiller ! J’peux pas vous laisser seuls un seul soir ! Connards ! – Le coach jura en secouant une dernière fois Tholot, puis le jeta avec véhémence sur le canapé.
Il se précipita ensuite vers la porte donnant accès à la cour intérieure du lupanar. Il jura de nouveau, tel un charretier enragé à qui un sabot de cheval aurait écrasé l’orteil, en apercevant l’état de déchéance dans lequel se trouvaient les hommes-arbres. Les deux gardiens sylvestres étaient allongés sur la pelouse couverte de rosée, les visages tournés vers le ciel nocturne, les racines enfouies dans l’herbe, les branchages pendant mollement sur le sol et les rares feuilles qui leur restaient jaunies et recroquevillées sur elles-mêmes. Ils avaient l’air de deux vieux troncs écroulés, pourris de l’intérieur. Le coach alla de l’un à l’autre en les inondant d’insultes et en leur donnant des coups de pied vigoureux, au risque de se briser les orteils, et ce avec un résultat plus que douteux. Si Cedrechêne sembla réagir quelque peu aux invectives de Duda, grommelant des reproches inaudibles et faisant légèrement bouger ses branches, Grisfrêne était dans un état lamentable plus que préoccupant. Il ne bougeait pour ainsi dire pas du tout, ses yeux millénaires perdus dans le vague et la bouche entrouverte, de laquelle s’écoulait un mucus verdâtre nauséabond. Son écorce se fendait et s’écaillait en de nombreux endroits et des pustules rubicondes étaient apparues sur une partie de son feuillage clairsemé. L’entraineur connaissait parfaitement ces symptômes et poussa un rugissement de rage et de consternation :
- Dieux tout puissants ! Il est imbibé de liqueur d’écorce de bouleau, cette enflure de branche pourrie ! J’avais pourtant interdit ! Il va pas tenir droit pendant cinq jours maintenant ! Ah, il va être beau, le match demain ! Fait chier, une semaine d’entrainement partie en fumée en un soir !
Duda passa le reste de la nuit à rassembler les loques vivantes qu’étaient ses joueurs et à les acheminer jusqu’à leur quartier général, en pestant tel un forcené. Le plus dur fut de déplacer les hommes-arbres, pour lesquels il dut louer les services de gros-bras du quartier, lesquels lui coûtèrent une somme plus que rondelette. Ce sera moins à dépenser en picole. - se dit-il en remettant un joli pactole aux man½uvriers, mais il ne décolérait pas. Le mauvais pressentiment qui le poursuivait depuis la veille resurgit telle une vieille blessure et s’agrippa à ses nerfs et à ses pensées. – Putain, c’est pas gagné.
***
L’ambiance était volcanique dans le stade alors que tous les regards étaient tournés vers le match du soir – une opposition de styles entre deux équipes au parcours quelque peu compliqué, mais à la volonté inébranlable et au courage exemplaire. Comme à son habitude, et afin de pimenter cette rencontre de milieu du championnat – qui s’annonçait déjà plus que virulente – la Ligue avait fait appel à Marco Battard, célèbre arbitre bien connu pour ses penchants en matière de pots-de-vin, de valises, de corruptions et d’avantages en nature divers et variés, qu’il avait l’habitude d’accepter avec un allant et un contentement légendaires. Pour sûr, il allait y avoir de la rotule brisée à coups de crampons et des tacles au niveau de la carotide, et c’est la raison pour laquelle le public – toujours friand de spectacle sanguinolent – était venu en nombre dans l’arène accueillant l’opposition entre les vaillants halflings Real Boitar et les énergiques hommes-lézards des ZozoRuss.
Le coach Duda avait une nouvelle fois vu les choses en grand, en faisant appel – pour le plus grand plaisir des supporters de son équipe – à la vedette halfling Puggy Baeconbreath, lequel haranguait le public, un sourire sardonique dessiné sur ses lèvres dodues. Le sempiternel chef cuisinier Roël Jobuchon était également présent dans le stade, et deux marmites de bouillon aux herbes cuisaient à petit feu aux abords de la pelouse, prêtes à revigorer les belligérants du soir. Enfin, et pour couronner le tout, Duda signifia aux officiels de la Ligue qu’outre les deux corruptions officielles accordées aux deux équipes, il versait une prime de match exceptionnelle, destinée à payer un pot-de-vin supplémentaire pour ses joueurs. Face à un tel déploiement d’artifices, les hommes-lézards de Zozoruss et leur coach Harry n’en menaient pas large et demeuraient perplexes quant au déroulement de la rencontre. Dans tous les cas, les préparatifs d’avant-match laissaient pressentir une rencontre épique, pleine d’actions d’éclat, de coups-bas, de charges spectaculaires, de tendons déchiquetés, de ruptures d’anévrisme et d’hurlements perçants d’une foule lubrique en liesse.
Mais en réalité, il n’en fut rien et, à la fin du match, les nombreux spectateurs partaient du stade avec un arrière-goût d’inachevé, un sentiment de gâchis et de regrets. La faute en revenait très certainement aux deux équipes ainsi qu’à leurs entraineurs. Car le public avait assisté à un match bien terne, ponctué uniquement par des mouvements ratés d’une manière invraisemblable de la part de l’équipe halfling. Et effet, ces derniers – pourtant galvanisés par leurs supporters venus en masse – faisaient étrangement pâle figure sur la pelouse, et n’étaient que ombres d’eux-mêmes.
Alors qu’ils engageaient le match, et bien que le début de celui-ci se déroulât plutôt à leur avantage, grâce notamment à quelques coups bien placés de la part de Puggy, les joueurs halflings furent incapables de mettre suffisamment de pression sur leurs toniques opposants et se retrouvèrent rapidement en assez mauvaise posture, menacés par plusieurs saurus patibulaires. Le plus incroyable était l’état de mollesse et d’apathie dans lequel se trouvaient les deux-hommes arbres du Real Boitar – et principalement Grisfrêne le Vif – incapable de jeter au sol le moindre adversaire. Fort heureusement pour les halflings, la situation se décanta quelque peu lorsque Choukkizzu Gruuko – le kroxigor des Zozoruss – tenta de s’en prendre à un des deux vénérables anciens. Son action fut d’une telle gaucherie qu’il s’emmêla les pattes dans sa queue volumineuse et chut au sol avec fracas. Il n’en fallait pas moins pour les opiniâtres halflings pour s’en prendre à lui et Lorel Bonvin profita de l’occasion pour porter au malheureux kroxigor un vicieux coup au niveau de l’abdomen. La pauvre bête hurla de douleur et se plia en deux en se tordant sur la pelouse. Elle fut immédiatement évacuée du terrain et son coach dut signifier, avec consternation, que le match était fini pour Choukkizzu !
L’occasion était trop belle pour le Real, qui se jeta en avant et porta le ballon – par l’intermédiaire de Séraphin Rosette – en plein c½ur de la défense adverse, bien protégé par les deux hommes-arbres et plusieurs autres halflings. Le reste de la mi-temps s’écoula dans un échange de coups entre les deux gardiens sylvestres et les saurus, sans grandes conséquences, ainsi que dans un concert de feintes de la part des skinks insaisissables. En effet, il était impossible pour les patauds halflings de s’en prendre aux agiles skinks, lesquels restaient bien à l’abri derrière un solide mur composé de leurs vigoureux coéquipiers saurus. La mi-temps approchait à grands pas et il devenait urgent pour le Real Boitar de marquer le premier touchdown du match. Néanmoins, grâce à un repositionnement intelligent – aidé en cela par plusieurs esquives des agiles skinks – le coach Harry put contrarier quelque peu les plans de ses adversaires. Il n’y avait toutefois rien d’insurmontable pour une équipe aussi endurcie que le Real, dans la mesure où une simple charge suffisait pour ouvrir à Marcelin la voie vers l’en-but adverse. Mais c’était sans compter Grisfrêne.
L’homme-arbre décida en effet de se débarrasser d’un saurus un peu trop pressant et tenta de lui administrer sur le bec une mandale qui se voulait puissante. Mal lui en a pris, car son attaque se révéla tellement faiblarde et gauche que le pauvre Grisfêne vacilla et s’affala de tout le long de son tronc sur la pelouse. La foule ahurie écarquilla les yeux et hurla de consternation. Il suffisait au Real Boitar de faire quelques mètres pour marquer, et voilà que leur homme-arbre annihilait tous les efforts d’une mi-temps par une action impromptue et maladroite qui sonna le glas de l’équipe halfling. En effet, constatant une annihilation d’action, l’arbitre siffla la pause, au grand dam du coach Duda, qui pestait de tout son soûl contre l’incompétence de son joueur et l’apathie générale dont son équipe a fait preuve jusqu’à lors.
Toutefois, le coach halfling ne devait pas être encore au bout de ses surprises et le véritable moment de consternation et de dépit devait encore arriver. La seconde mi-temps commença sous de mauvais augures pour le Real Boitar, dans la mesure où un coup de pied d’envoi de la part de Calben Drupoil s’avéra bien trop long et fit sortir la balle du terrain. Cela permit aux ZozoRuss d’entamer rapidement les hostilités, le ballon bien protégé dans les bras de Bixl, le skink. L’attaque des hommes-lézards fut, comme à l’accoutumée, foudroyante, les ZozoRuss effectuant une percée efficace sur l’aile gauche de la défense halfling. Une cage se forma rapidement autour du skink porteur de balle et le Real Boitar se retrouva fort pris au dépourvu et menacé par un touchdown fulgurant de la part de ses adversaires. Duda dut alors employer les grands moyens et fit appel au talent et au panache de son joueur star, spécialement recruté pour l’occasion. Il ordonna à Puggy de profiter de ses talents d’esquive et de feinte pour tenter d’estourbir le fragile Bixl. Les joueurs halflings furent envoyés pour servir d’appui à la vedette et pour détourner l’attention des saurus protégeant la cage adverse, alors que Puggy s’élança en direction du skink malingre. Il était toutefois écrit qu’aucun répit ne devait être laissé à l’équipe halfling ce soir, puisque l’orgueilleux Puggy – bien qu’étant arrivé à hauteur du porteur de balle – s’emmêla à son tour les pinceaux et, dans une action d’une maladresse époustouflante, se crocheta lui-même en tombant à la renverse. Consterné, l’entraineur du Real Boitar se cacha le visage dans les mains et s’assit lourdement sur le banc, puis il se releva brusquement. Toutes les caméras de Cabalvision se tournèrent vers lui alors qu’il fracassait, dans un élan de colère, à grands coups de poings, un tonneau de rafraichissements posé dans la zone technique de son équipe.
Sur la pelouse, débarrassés de la menace que représentait Puggy, les hommes-lézards décidèrent de jouer la montre en protégeant le ballon tout près de l’en-but adverse, sans être perturbés par le moindre hafling. Le Real Boitar dut alors adapter sa tactique en profondeur. Voyant la situation de son équipe désespérée, Duda décida de revenir aux fondamentaux, de reconcentrer ses joueurs sur ce qu’ils savaient faire le mieux, à savoir s’acharner sur les adversaires au sol. Cette stratégie – en dépit de son caractère plus que douteux – s’avéra fort payante pour les halflings, dans la mesure où, en quelques minutes à peine, un saurus fut étourdi et sorti de la pelouse et un autre termina le match la tête en sang, victime d’une agression ignoble de la part du vil Lorel Bonvin – et ce sans que l’arbitre n’y ait quoi que ce soit à redire !
Voyant ses effectifs peu à peu réduits, Harry dut se rendre à l’évidence et, préférant protéger ses joueurs du courroux de leurs adversaires, envoya Bixl marquer le premier touchdown du match. Bien qu’il pestât de nouveau sur le bord du terrain, Duda fut forcé d’avouer que le match n’était pas encore terminé et qu’il restait suffisamment de temps pour tenter d’égaliser. Toutefois, c’était à nouveau sans compter sur l’état de fatigue et de torpeur dans lequel se trouvaient ses joueurs. Ce fut tout d’abord à Calben Drupoil de trébucher sur une motte de terre, alors que – portant la balle – il tentait de se mettre à l’abri, sous les denses branchages des deux hommes-arbres. Puis, ce fut au tour de Grisfrêne, une nouvelle fois, de désespérer encore plus profondément son coach, alors qu’il ratait lamentablement un plaquage pourtant facile et qu’il finissait lui-même sonné, le visage enfoui dans le gazon vert de la pelouse ! Consternant. Enfin, alors que les hommes-lézards essayaient de récupérer la balle (gisant au sol suite à la glissade incontrôlée de Calben), un jeu de blocages et de rebonds, la vit finir – comme par miracle – entre les bras de Posho Lamirtille, lequel n’en croyait pas ses yeux d’avoir récupéré le bout de cuir ! L’occasion était inespérée pour le coach et le Real Boitar, dans la mesure où Posho était flanqué de son immense comparse Cendrechêne Boisnoir, qui se saisit du halfling incrédule et l’envoya bien loin dans le camp adverse totalement désert. Duda se mit à rêver d’une égalisation à la dernière seconde, mais il dut boire le calice jusqu’à la lie ce soir. En effet, son joueur fit preuve d’une maladresse incroyable et ne réussit pas à se réceptionner convenablement. Il fit choir le ballon et finit sonné, alors que l’arbitre sifflait la fin de la rencontre.
Les trois points allaient aux valeureux hommes-lézards, et les joueurs du Real Boitar ne devaient s’en prendre qu’à eux-mêmes ! Ils avaient en effet raté quasiment toutes les actions et, par leur apathie et la mollesse de leurs attaques, ils ne purent offrir à leurs adversaires qu’une opposition plus qu’inefficace et fébrile.
Au regard noir que jetait à ses joueurs le coach Duda lorsqu’ils regagnèrent les vestiaires, sous les sifflets et les quolibets d’un public hagard et désabusé, l’on ne pouvait que deviner que les halflings allaient passer un mauvais quart d’heure. Mais celui qui attirait le plus les foudres de l’entraineur n’était autre que le malchanceux Puggy, dont l’action ratée coûta certainement la victoire au Real Boitar.
***
- J’espère que vous êtes fiers de vous, petits salopards de première ! – Duda ne décolérait pas alors que ses joueurs se changeaient dans leur vestiaire, les mines maussades et les têtes baissées, un silence pesant régnant en maître des lieux.
- Coach, on a fait ce qu’on a pu. – Voulut protester Posho, mais il fut immédiatement coupé par son entraineur.
- Boucle-là, l’morveux ! Vous avez merdé encore une fois ! C’est quoi ce match d’anémiques sclérosés que vous m’avez fait ! Et toi, vieille branche moisie ! – beugla-t-il en direction de Grisfrêne. – Toi, je ne sais pas ce qui me retient de te balancer une torche allumée en pleine gueule !
Aussi surprenant que cela pouvait paraitre, l’homme-arbre – pourtant deux fois plus grand et trois fois plus costaud que son entraineur – n’osait remuer la moindre brindille, et demeurait immobile dans un coin du vestiaire, les yeux clos et le tronc courbé.
- Désolééééé. – fut la seule chose qu’il réussit à articuler. – Je fus mauvaaaaais.
- Oh que oui, t’as été mauvais ! Plus que mauvais ! T’as été pitoyable, par les mille enfers ! – ragea Duda irascible. – Mais t’étais pas le pire !
Il se tourna alors vers Puggy, lequel recoiffait ses longues boucles blondes, comme si de rien n’était, en sifflotant doucement, feignant de ne pas se sentir concerné en quoi que ce soit par les critiques virulentes de l’entraineur.
- Toi ! – rugit de nouveau l’humain en pointant un doigt accusateur en direction de la vedette halfling. – Qu’est ce que t’as foutu, espèce de fiente de blaireau dysentérique !
- Il m’veut quoi encore celui-là ? – réagit avec suffisance la star en jetant un regard dédaigneux à l’entraineur. – Heureusement que Puggy était là ce soir, sinon cette équipe de minables aurait pris une sacrée râclée.
- Ducon, je t’avais prévenu ! – le coach se jeta sur le halfling, l’agrippa des deux mains et le souleva de terre en lui hurlant au visage. – Je vais te faire bouffer les noix qui te servent de couilles jusqu’à ce que tu comprennes !
- Qu’il lâche Puggy celui-là ! – brailla le joueur dans un élan de panique soudaine, la sueur dégoulinant à grosses gouttes le long de ses joues replètes. – Il va le regretter, Puggy va se plaindre à la Ligue ! On ne touche pas à Puggy impunément !
- Vas-y ! Plains-toi, rien à foutre ! – répliqua le coach, excédé, puis il ajouta à l’attention de ses joueurs, restés immobiles durant l’altercation. – Les gars ! Ramenez-moi la grosse pince et le fouet. Monsieur veut aller voir la Commission. On va l’y envoyer nous-mêmes ! Mais d’abord, on va un peu rigoler ! – conclut-il alors que l’expression de son visage se tordait en un rictus maléfique.