Naturellement, vous reconnaitrez les références (voire plus que des références). Disons que c'est un hommage ! 😃
Chanson éternelle, au refrain fané,
C'est vrai c'est étrange, de voir comme on change, sans même y penser...
Tout comme les étoiles, s'éteignent en cachette,
L'Histoire Éternelle, touche de son aile,
La Belle et la Bête.
La Bête et la Bête
- Putain, mais qu’est-ce que tu fous là ? On te cherche partout, je te signale ! – gronda Duda alors qu’il pénétrait, furibond, dans le jardin situé à l’arrière de l’auberge du Crampon Doré, quartier général de l’équipe du Real Boitar et haut lieu historique de Blood Bowl.
Il s’adressait à un petit halfling rondouillard, au crâne dégarni et au visage rougeaud, lequel était assis derrière un établi de travail, posé dans un coin du jardin, près de la cabane à outils. Il tenait dans une main un imposant marteau, et était visiblement en train de bricoler, car diverses planches en bois étaient disposées ça-et-là sur l’établi ou à même le sol. Une multitude de clous de taille variée, étaient répandus un peu partout.
L’halfling grassouillet tourna alors vers son entraineur un regard à la fois distant et calme, dans lequel l’humain décela un fort courant de sentiments complexes – la tristesse, l’impuissance, l’incompréhension – luttant avec acharnement et férocité dans l’esprit de ce petit être chétif et quelque peu simplet.
- B’jour coach. – répondit-il d’une voix calme et distante, les yeux dans le vague, la mine sombre. Puis, il regarda les outils qu’il tenait dans la main, et se remit au travail, posément, en plantant un clou dans un épais étai en bois de cèdre posé devant lui.
- Qu’est ce que tu m’fais là, Mirfu ? C’est quoi ? T’as le cafard ? – demanda le coach, visiblement irrité.
- Mais non, c’est pas ça… - répondit nonchalamment le dénommé Mirfu.
- Quoi c’est pas ça ? On en a déjà discuté tous ensemble, non ? C’est dégueulasse ce qui est arrivé à Aldo, on est d’accord. On l’a tous pleurés. Mais maintenant faut s’remettre d’aplomb. J’croyais qu’on était d’accord. On a des matchs à jouer, et à préparer. C’est la moindre des choses, pour lui, pour Marcelin aussi, qu’on le finisse ce putain d’championnat. – rétorqua l’entraineur sur un ton solennel.
- Oui, non mais… - voulut réagir l’halfling, mais il fut immédiatement interrompu par Duda.
- Y’a pas de mais qui tienne. Ça fait dix minutes qu’on te cherche partout espèce de pignouf. Et puis, tu fous quoi là, à planter des clous, hein ? C’est quoi ce micmac d’abord ? C’est quoi tous ces trucs ? – l’interrogea l’entraineur, de manière circonspecte, en désignant les divers bouts de bois et outillages disposés autour du semi-homme.
- Bah, j’plante des clous. – répondit ce dernier sur un ton neutre.
- J’vois ça oué. Mais c’est quoi tout ça ? Depuis quand tu bricoles ? Et puis, tu fais quoi ? Une chaise ? Un banc ? J’visualise pas bien… - indiqua le coach avec perplexité.
- Mais j’bricole pas. J’sais pas bricoler. – indiqua Mirfu pensivement.
- De quoi ? Tu fais quoi alors ?! – s’étonna Duda.
- J’fais rien. J’plante juste des clous dans des bouts d’bois. – répliqua posément le halfling.
- Mais bon dieu, à quoi ça sert tu peux me dire ? – protesta le coach. – Toute l’équipe attend pour aller à l’entrainement du matin, et Monsieur reste assis là, à planter des clous pour rien. Non mais ça va pas bien là-dedans ou quoi ? – demanda l’entraineur, passablement agacé, en se tapant la tempe avec l’index.
- C’est que… ça m’aide à réfléchir... – répliqua Mirfu de manière grave.
- Ouh, celle-là, j’m’y attendais pas. – souffla Duda.
- De quoi, vous vous y attendiez pas ?
- Non, rien. Continues, ça t’aide à réfléchir dis-tu ? – fit le coach en plissant les yeux.
- Ba oué. Planter des clous, ça aide. Déjà, ça défoule. – précisa Mirfu calmement.
- J’connais d’autres manières de se défouler. Bien plus productives. Sur un terrain d’entrainement par exemple. – observa ironiquement l’humain.
- Non mais, coach, arrêtez. Parfois j’ai besoin de ça. – protesta le hafling.
- Tu te fous pas un peu de ma gueule, le nabot ? – demanda Duda assez sèchement. – T’as besoin de planter des clous pour rien ? C’est ça que t’es en train de me dire ?
- Ba oué, comme j’disais, ça m’aide à penser à tout un tas de choses. – continua le semi-homme imperturbable. – Voyez-vous, j’me dis que ce clou. – dit-il en pointant du doigt le bout de ferraille qu’il venait de planter dans un bloc de bois. – Ce clou ça me représente. Ça peut représenter chaque individu en ce bas monde. Et le marteau, bah, c’est la vie, ce sont les désagréments du quotidien, les grands et petits drames de tous les jours. Ils vous tombent sur la tête sans prévenir et vous enfoncent plus profondément dans la terre à chaque coup porté. Et vous, moi, comme ce clou, on ne peut pas bouger, on ne peut rien faire. Nous restons des spectateurs passifs de notre existence, laquelle file au-dessus de nous sans que nous puissions s’en saisir, et qui nous détruit en nous écrasant et en nous laissant défaits… cloués sur place. Vous en pensez quoi, vous ? Hein ? C’est des conneries tout ça. Si ça s’trouve, ça n’veut rien dire ce que j’raconte en fait.
- Mais non, pas du tout. – répondit Duda estomaqué, le souffle coupé, les yeux grands ouverts. Il était fortement étonné de la tirade de son joueur, qui ne pensait pas capable d’un tel raisonnement philosophique. – En fait, c’est très intéressant ce que tu racontes. C’est exactement ça. C’est une bonne allégorie de la vie.
- La bonne quoi ? – demanda Mirfu gêné.
- Laisse tomber. – répliqua le coach. – C’est pas des conneries ce que tu racontes. Je comprends.
- Non, vous ne comprenez pas. – insista le semi-homme. – Je suis fatigué patron, fatigué de devoir courir les routes avec vous tous mais de me sentir seul comme un moineau sous la pluie.
J’suis fatigué d'avoir jamais un vrai ami pour parler, pour me dire où on va, d'où on vient et pourquoi. Mais surtout je suis fatigué de nous voir nous battre contre les autres.
Je suis fatigué de toute la peine et la souffrance que je sens dans notre sport. Il y en a trop.
C'est comme si j'avais de bouts de verre dans ma tête.
Le coach fixa longuement le halfling sans parler. Il posa sur lui un regard bienveillant, amical et lui sourit, tout simplement, en franche amitié. Il comprenait parfaitement le petit bonhomme, bien plus que ce dernier ne pouvait le penser, mais il ne pouvait le lui avouer, de par sa position d’entraineur, de par l’obligation d’imposer le respect à ses joueurs et de par son autorité hiérarchique qui ne pouvait être remise en aucune manière, il ne pouvait se permettre d’être trop conciliant et trop amical avec ses gars. Et ça lui en coûtait. Néanmoins, c’est avec un regard paternel et sur un ton protecteur qu’il s’adressa à nouveau à Mirfu :
- Très bien mon p’tit. Je vois. Tu nous quittes, c’est bien cela ?
L’halfling tourna lentement la tête vers l’entraineur et tenta de sourire, malgré son regard triste.
- Vous m’connaissez bien, coach. Ça va être mon dernier match, j’pense. Y’a mes vieux qui m’manquent. Avec ce que j’ai gagné comme pognon jusque-là, j’ai pu acheter une petite fermette par chez nous, dans le Mootland. J’y les ai rapatriés là-bas. J’ai envie de vivre tranquillement. Le Blood Bowl c’est génial, mais ce n’est pas vraiment fait pour un halfling. Et surtout pas pour moi, coach. J’ai peur de mourir…
- Tu sais, Mirfu. – répliqua le coach, songeur. - Nous sommes tous promis à la mort, tous sans exceptions. Mais pour certains parfois le chemin semble bien long.
- Oué, c’est pas faux. – répondit le semi-homme distraitement.
- D’accord mon p’tit. D’accord. Tu pourras partir. On ne va pas te retenir contre ta volonté. T’inquiètes pas, va ! On va trouver quelqu’un pour te remplacer. Mais maintenant viens, faut qu’on y aille ! – indiqua Duda avec entrain, en essayant de faire sourire son joueur.
- Allé, oui ! – soupira Mirfu en se levant de derrière son établi et en s’étirant. – Vous avez raison, essayons de finir ma carrière en beauté !
- On t’organisera une fête d’adieux. Ça va être sympa. – observa l’entraineur sur un ton amical. Tu veux manger quelque chose de particulier ce soir ? On peut t’apporter ce que tu veux.
- Oh oui. – sursauta Mirfu, ravi de la proposition. – Un bon ragoût peut-être avec de la sauce et de la purée, des gambas, et peut-être un bon pain de maïs comme l’faisait ma mère, si ça n’vous dérange pas…
***
Alors qu’ils sortaient tous les deux du Crampon Doré, ils furent alarmés par des cris provenant de la petite place attenante à l’auberge, où une petite foule compacte de curieux s’était massée autour de plusieurs individus à l’air menaçant. Le coach put apercevoir, parmi les badauds, nombre de ses joueurs halflings lesquels, pesta-t-il, devaient pourtant l’attendre dans la Phantom, plutôt de de lambiner devant quelques guerriers en armures à fourrure et casques à corne.
- Qu’est ce que c’est encore que ces conneries ?! – désemparé, le coach jura entre les dents en faisant signe à Mirfu de le suivre. – On n’a pas que ça à faire.
Alors qu’ils s’approchaient de l’attroupement, Duda fut hélé par un individu qu’il avait du mal à apercevoir derrière le public, mais dont il lui sembla connaitre la voix :
- Duda, tu es là mon grand ! Viens m’voir ma poule, ne t’inquiètes pas, on t’fera pas mal. Pas pour l’instant ! – cria l’inconnu ce qui fit rire grassement les guerriers en armures.
A son arrivée, la foule s’écarta, de manière à permettre à l’entraineur de s’avancer vers le centre. Il se planta devant, consterné, en reluquant ses joueurs d’un ½il torve. Ces derniers n’osaient réagir et jetaient des regards anxieux en direction de la petite bande de malfrats patibulaires plantée devant eux. Le coach porta son regard vers ces derniers et put ainsi aviser plusieurs guerriers à la carrure impressionnante, vêtus d’armures sombres dardées de piques, de chaînes, de crânes et autres symboles maléfiques, qui attendaient immobiles et impassibles, les bras croisés sur leurs poitrines. A leurs côtés se tenaient plusieurs hommes-bêtes vigoureux, aux muscles saillants, aux babines retroussées dans d’hargneux rictus emplis de bave, dotés chacun d’une impressionnante paire de cornes. Au milieu d’eux se dressait fièrement un gigantesque minotaure, une bête immense, cruelle et dangereuse, scrutant la foule d’un regard frénétique et piaffant d’impatience. Le large poitrail du monstre se soulevait au rythme de sa respiration, faisant jouer la musculature de son torse. Ses bras démesurés, aux biceps aussi volumineux que la bedaine d’un halfling, se terminaient par deux mains colossales, dotées de serres acérées en lieu et place des doigts, et serrées autour d’un bout de bois distordu.
Soudain, surgit de derrière le bestiau un humain bravache à la peau glabre, à la chevelure chatoyante, au regard franc et au sourire carnassier.
- Duda, mon p’tit Duda, te voilà ! – constata-t-il avec malice, une note de sarcasme dans la voix. – J’ai cru un moment que t’allais te dégonfler !
- Steph’. SSB. Que me vaut le plaisir de ta venue ? – grinça des dents l’entraineur halfling, passablement agacé de la visite impromptue que lui rendait son collègue de métier et prochain adversaire du championnat.
- Ah, mais c’est qu’on doit se jouer au prochain match, il parait ! – clama l’individu avec amusement, en faignant l’innocence.
- Il parait. Et alors ? – siffla le coach, crispé.
- Oh rien. – continua sur le même ton badin son adversaire. – Je suis juste venu avec mes gars pour te demander de tes nouvelles, de toi et de tes petits protégés.
- On va bien, merci. – répondit Duda laconiquement, essayant de couper court à l’échange.
- Ah oui ? Et bien ça ne va pas durer ! – rétorqua SSB, un rictus mauvais dessiné sur les lèvres. Sa réplique fit rire grassement ses joueurs et souleva même quelques fous-rires nerveux parmi la troupe de badauds massés derrière les joueurs du Real Boitar.
- Cesse ton petit jeu, Steph’. – clama Duda nerveusement. – Qu’est ce que tu nous veux, à la fin ? Ça rime à quoi cette mascarade ? Pourquoi t’es venu parader avec ton équipe de chaotiques d’mes deux ?
- Ha ! J’aime quand t’es comme ça ! Franc, direct, précis. Pas d’chichis avec toi, hein ? Pas de fanfaronnades ? – s’emporta tout à coup son adversaire.
- C’est ça. – confirma sèchement le coach halfling.
- Et bien d’accord ! Puisque tu le prends comme ça mon p’tit. – railla SSB sur un ton malveillant. – J’suis venu te dire qu’on va vous défoncer ! On va vous faire mal, très mal ! T’entends mon gars ? On va vous faire souffrir le martyr, tes minables mi-portions et toi. On s’occupera bien de vous, va rien rester de vous après le match. – les yeux exorbités et la voix possédée, l’entraineur chaotique explosa dans un torrent de frénésie verbale d’une méchanceté manifeste, qui fit de nouveau rire ses joueurs de manière lugubre et menaçante.
Les joueurs du Real Boitar n’en menaient pas large à vrai dire, et se jetaient les uns les autres des regards apeurés et quelque peu paniqués, ne sachant s’il fallait répondre, s’il fallait ignorer les frasques ou carrément s’en aller. Ils attendaient une réaction de leur entraineur, mais la craignaient dans le même temps. Ils connaissaient le tempérament bouillant de Duda et savaient parfaitement que la situation risquait de dégénérer rapidement. Or, ils ne souhaitaient pas attirer l’ire de l’individu qui fanfaronnait devant eux, surtout par peur de représailles en cas de faux pas de leur part. Les guerriers massés derrière l’entraineur chaotique étaient deux fois plus massifs et corpulents qu’eux et ce, sans parler de l’impressionnant minotaure qui les reluquait en piaffant, la bave aux lèvres. Si les deux équipes en venaient aux mains, les halflings ne donnaient pas cher de leur peau. A vrai dire, ils étaient même certains d’être réduits en charpie par les athlétiques guerriers et hommes-bêtes qui leur faisaient face.
Le public cependant ne se rendait compte de rien et riait gaiement des piques et autres avanies que lançait un SSB possédé à son collègue et adversaire. Ce dernier continuait comme si de rien était, sur un ton sarcastique et faussement enjoué :
- Tiens ! Mate-moi ça Duda ! – héla-t-il ce dernier en saisissant le bras du minotaure situé à ses côtés. – Regarde moi ce bestiau. T’as vu ses bras ? Ouuuh. Regarde la ligne de ses muscles. Ces gros biceps. C’est pas du beau biceps ça ? Hmmmm. Et ces pectoraux d’enfer ! Oulala ! – insista-t-il en promenant lascivement sa main sur le torse velu du monstre. – Tu vois comme ses veines palpitent d’impatience de rencontrer ta minable équipe ? Et avise-moi ces jolies griffes ! Aaah ! – jappa-t-il en attrapant tendrement la main du minotaure, lequel demeurait immobile, impassible, et fixait son regard agressif sur les halflings et leur coach. – Tu sais ce qu’elles vous feront ces griffes ? Tu sais ce qu’elles vont faire à tes hommes-arbres ?
- Non, SSB, je ne sais pas. – répondit stoïquement Duda, une once de nervosité dans la voix. – Mais tu va nous le dire, je présume.
- Oh tu présumes bien ! – exulta son collègue de métier. – Elles vont les ratatiner tes vieux bouts d’bois, elles vont en faire des petits copeaux façon puzzle ! Quand mon beau bestiau va s’occuper d’eux, on va les retrouver en morceaux dans toute la Lutèce !
- Rien que ça… - commenta le coach halfling en faisant la moue.
- Assez parlé ! A très bientôt sur le terrain Duda. Nous sommes juste venus vous mettre en garde. Prenez-le comme une marque d’amitié et un signe de bonté de ma part. – sourit malicieusement l’entraineur chaotique.
- Trop aimable. – murmura doucement Tholot, excédé.
- Préparez vos cercueils les minus ! – continua sur le même ton SSB. – Va y avoir du cuisseau de mi-portion au diner ! Allé, tchao les loosers ! – conclut-il dans un geste théâtral en faisant signe à ses joueurs de le suivre.
Ces derniers lui emboitèrent le pas en beuglant, puis bousculèrent violemment les joueurs du Real Boitar, pour se frayer un passage, à coups de coude et de mandales, dans la masse compacte des curieux médusés par le spectacle. Soudain, le coach adverse s’arrêta et se retourna pour faire de nouveau face aux halflings et à leur coach.
- Au fait, j’ai oublié quelque chose ! – hurla-t-il en direction de Duda. Il saisit le bout de bois déformé que son minotaure tenait dans les mains, puis le jeta aux pieds de l’entraineur du Real Boitar. – Mon bestiau t’a ramené un cadeau ! Tu reconnais ? Non ? Attends, je vais t’aider. Tu te rappelles de Willow, l’homme-arbre que Crouch venait d’engager pour son équipe d’elfes acrobates ?! Voilà ce qu’il reste de lui après que K'aitsa'chinu'i lui soit passé dessus ! – conclut-il dans un fou rire maléfique, immédiatement imité par l’ensemble de ses joueurs.
Duda attendit, dans une immobilité complète, que leurs adversaires quittent définitivement les lieux, fixant avec attention, la mine morose et l’½il noir, le morceau de branche que SSB venait de jeter à ses pieds. La voix de Tholot le sortit de sa torpeur :
- C’est vrai coach ? C’est vrai ce qu’il raconte ? – interrogea-t-il avec hésitation son entraineur, alors que les autres joueurs demeuraient suspendus avec appréhension aux lèvres de ce dernier.
- Son minotaure, il a vraiment tué un homme-arbre ? – se risqua de demander Eggon.
- Oui, c’est vrai. – répondit distraitement le coach.
- J’ai lu quelque part qu’il l’avait cassé en deux comme une simple brindille. – Sherlock essaya d’attirer l’attention sur lui. – C’était une boucherie, parait-il, ou plutôt une scierie. Apparemment, il l’aurait découpé en plusieurs morceaux, broyé ses branches et…
- Ta gueule Sherlock. – l’interrompit sèchement l’entraineur. – On s’en fout de ce que t’as lu.
- Purée, on est mal. – glapit Roch les lèvres tremblantes. – Vous avez vu ces brutes ?
- On va faire quoi maintenant alors ? – questionna de nouveau Tholot d’une voix transpirant l’inquiétude.
- Maintenant ? – répondit Duda en se tournant vers le vétéran halfling. – Maintenant il nous faut un plan.
- Et vous en avez un ? – intervint Eggon avec espoir.
- J’ai pris mes précautions oui. – indiqua l’entraineur, impassible. – J’ai repris quelques contacts et… j’pense avoir la solution. J’dois justement filer au port demain…
- Coach ! – brailla tout à coup Sherlock. – J’ai un plan, moi ! V’nez m’retrouver ce soir, faut que j’vous présente un gars que j’ai rencontré dernièrement…
- Sherlock, je t’ai déjà dit de la boucler. – Duda conspua son joueur.
- Non mais vraiment, coach ! Pour une fois faites moi confiance. S’vous plait ! – répondit le jeune halfling en feignant d’être vexé. – C’est un plan super, j’vous jure !
- Putain, si tu m’emmènes encore dans une de tes combines toutes pourries, j’sais pas ce que j’vais te faire ! – répliqua l’entraineur, irrité.
***
Le soir était tombé depuis plusieurs heures lorsque Duda arriva devant l’établissement, un troquet douteux, situé dans un des quartiers les plus malfamés de la ville. Chaque ruelle, chaque recoin sombre, chaque venelle fétide était occupée par des bandes de loqueteux scorbutiques, des filles de joie grasses et édentées et des groupes d’individus louches et patibulaires qui, les mines maussades, surveillaient les environs. C’était un quartier dans lequel le guet ne faisait que rarement – voire jamais – son apparition. Et lorsque cela arrivait, ce n’était que la lie de la garde qui pointait le bout de son nez, la plupart du temps soit pour distribuer des beignes et marrons à coups de matraques à quelques marginaux trop véhéments, soit pour relever les pots-de-vin et autres bakchiches réclamés aux rares commerçants des alentours. De partout, des tas d’immondices jonchaient les rues insalubres, et des rats aussi gros que des matous gambadaient à l’air libre parmi les ordures et la fange, sans que cela n’inquiète d’une quelconque mesure les riverains, impassibles à la vue des rongeurs pullulant à la surface.
Sur l’écriteau, situé au-dessus de la porte d’entrée décrépite du bâtiment, était visible une inscription grossièrement peinte dans écriture hésitante d’un vert maladif où l’on devinait le nom – « Waagh Tavern’ ». L’endroit était bien connu des initiés de la Lutèce Cup comme étant le repaire de tout ce que la ligue engendrait de plus vil, de plus mesquin et de plus odieux de fans, suiveurs et joueurs du célèbre championnat. La réputation du rade n’était plus à faire, et tout un chacun savait qu’on n’y entrait qu’à ses risques et périls et qu’il était aussi fréquent d’en sortir sur ses deux pieds que les deux pieds devant. L’établissement semblait bondé, de la lumière vive filtrait par les carreaux sales et poussiéreux situés de chaque côté de la porte, et de violents cris, des chants gutturaux, ainsi qu’une espèce de musique agressive et barbare provenaient de l’intérieur. Une affiche gribouillée à la va-vite, visiblement sans aucun sens du marketing et de l’accroche du client, était collée sur la porte d’entrée. Bourrée de fautes d’orthographe, de ratures et de lettres hachurées, elle semblait indiquer qu’un concert avait lieu ce soir dans l’établissement en la présence : « du fameu group’ de muzik lé Poétik Loverz ! ». L’affiche indiquait par ailleurs, dans une désespérante tentative pour attirer du public : « Véné nombreu’ ! Et si vou’ véné pa, on vou’ r’trouv’ et on vou’ cass’ lédent ! »
- Manquait plus que ça. – se dit Duda en pénétrant dans la taverne, alors qu’une bouffée d’air chaud, mêlée d’effluves d’alcool frelaté, de sueur âcre et de nicotine, le frappait au visage avec véhémence.
Il grimaça de dégoût et se fit violence pour pénétrer plus en avant dans la salle commune. Fort heureusement, personne dans la foule compacte d’individus plus louches les uns que les autres, ne sembla remarquer le coach, occupés qu’ils étaient à boire et à beugler en reluquant la scène située en fond de l’établissement, sur laquelle plusieurs orques massifs s’égosillaient de manière arythmique et sans mélodie quelconque, au son d’une musique saccadée et agressive qui fit grincer l’entraineur des dents. Il scruta les visages des noceurs présents dans la taverne, humains, nains, peaux-vertes, nordiques ou ogres venus festoyer ce soir, en cherchant scrupuleusement l’enfoiré de merdeux qui le fit déplacer dans ce trou de débauche pour paumés, la cause de tous ses maux, la racine de ses aigreurs d’estomac, la verrue sur ses fesses, le trublion du désordre, l’agitateur agité, le dénommé Sherlock Vertecuillère.
Il le remarqua presque aussitôt, assis derrière une table aux côtés d’un individu fort singulier, au visage amène, portant une ample chemise blanche à jabot et coiffé d’un tricorne noir de sous lequel dépassaient de longues bouclettes grises. Devant eux était disposé tout un tas de victuailles diverses, de godets et de cruchons, dans lesquels les deux compères piochaient allégrement en discutaillant de manière manifestement joviale. Il se rapprocha d’eux en se faufilant énergiquement à travers la foule compacte des convives.
- Coach ! On est-là ! – hurla Sherlock à l’attention de son entraineur, en agitant vigoureusement son bras chétif.
- J’vois que vous êtes là, j’suis pas bigleux. – répondit Duda en s’attablant en face des deux individus. Il pointa le menton en direction de l’humain assis aux côtés de l’halfling. – Et c’est qui celui-là ?
- Celui-là, c’est peut-être la solution à notre problème. – indiqua Sherlock, enjoué.
- Et de quel problème s’agit-il, si j’peux le savoir ? – répliqua le coach de manière sceptique en saisissant une coupe dans laquelle il se versa un peu de vin.
- Messire. – l’étrange individu prit la parole et déclara sur un ton solennel. – Sachez déjà que j’suis pas homme à me méprendre sur le gaillard d’en face. Mon p’tit doigt me dit que vous n’êtes pas la moitié d’un… - le coach le regarda, interloqué, ne comprenant visiblement pas où l’inconnu voulait en venir.
- Après, on ne pige pas toujours ce qu’il dit. – fit remarquer Sherlock. – Mais attention ! Il est légendaire !
- Légendaire. – reprit Duda sur un ton défiant. – Voyez-vous ça ?
- Je suis Urgan ! – affirma l’homme en levant un sourcil. – Dit l’homme-goujon. Chevalier des mers. A votre service ! – conclut-il en regardant l’halfling puis le coach et en faisant une brève révérence à l’aide de son tricorne.
- Chevalier des mers ? – s’étonna Duda. – Vous bossez dans la marine ?
- Oula, oh non. – le coupa celui-ci en souriant.
- Vous êtes à mon service de quoi ? – souffla le coach, qui commençait à perdre patience. – J’comprends pas là…
- J’suis pirate. – lui indiqua Urgan sur un ton pompeux.
- Pirate ? Mais alors vous êtes au service de votre cul uniquement. – observa l’entraineur avec un certain mépris dans la voix. – Qu’est-ce que vous m’chantez avec votre chevalier des mers ?
- Non mais attendez, coach. – intervint Sherlock. – Quand il dit qu’il est à notre service, c’est maintenant. Ça veut dire qu’il est prêt à nous rendre service !
- Oui, non attention. – fit observer posément l’individu. – Au même titre que le bar est fermé, et sauf si c’est un poisson, tout travail mérite salaire.
- Euh, oui. – s’irrita l’entraineur. – Vous… commencez sérieusement à me bourrer, tous les deux. Qu’est ce que vous m’voulez à la fin !
- Attention, Messire. Prêtez l’oreille. – répondit le pirate.
- Des fois on hésite. – sourit Sherlock. – On s’dit qu’on va faire une connerie. C’est normal.
- Tête bienpensante est par deux fois force de décision. – clama sans raison son compère du soir.
- Des fois il suffit de rencontrer la bonne personne. – continua Sherlock sur le ton de la confidence. – Urgan, tel que vous le voyez, au-delà se ses activités de… piraterie…
- Attention, je ne renie pas mon métier pour autant… - l’interrompit ce dernier.
- Ah non, mais c’est pas ça que je dis… - répliqua l’halfling calmement.
- Parce que, attention ! – s’emporta son interlocuteur. – Je ne renie pas mon métier…
- Non non, je sais. – répondit Sherlock. – Je l’ai constaté par moi-même.
- Que la chose soit dite et bien dite. – affirma Urgan.
- Et puis, c’est fait consciencieusement. – riposta de nouveau le semi-homme en se tournant vers son entraineur.
- Homme sans métier n’est plus apte à exercer une activité professionnelle… - clama le pirate sur un ton grave.
Duda tapa violemment du poing sur la table faisant tressaillir ses interlocuteurs, qui ouvrirent grand les yeux de surprise.
- Vous allez me dire immédiatement ce que vous me voulez ou j’vous dérouille ! – l’entraineur grinça nerveusement des dents en aboyant sur les deux larrons assis en face de lui.
- Urgan. Il fait aussi… assassin… - chuchota Sherlock en lançant des regards inquiets tout autour de lui.
- Ça m’arrive… - affirma l’individu, imperturbable.
- Attention ! L’assassin haut de gamme. Vous voyez. – fit observer Sherlock en haussant les sourcils.
- Haut de gamme ? – s’étonna le coach, une note de sarcasme dans la voix. – C’est-à-dire ? Il butte que les grosses pointures ?
- Voilà. C’est ça. – affirma son joueur. – Il ne butte que d’la crème. Bon, c’est un peut chaud de dire les noms ? – Sherlock sourit à Urgan en le poussant légèrement du coude. – Secret professionnel ?
- Bah, disons que j’ai pas mal travaillé dans l’Empire y’a une dizaine d’années… - déclara avec suffisance l’individu en relevant la tête.
- Ah d’accord, je vois… - répondit le coach.
- Renommée, renommée, qui es-tu renommée ! – clama théâtralement le pirate en tendant son bras devant lui.
- Qu’est ce que vous voulez que ça me foute ? – répliqua le coach de manière abrupte.
- En fait. – marmonna Sherlock, sur un ton conspirateur. – Officiellement, il ne fait plus… assassinat.
- Mais éventuellement, bonne proposition fait force de respect. – affirma le pirate en regardant le coach droit dans les yeux.
- Tout travail mérite salaire. – précisa Sherlock en saluant de la tête ce dernier.
- Ah ça oui.
- C’est important. – conclut Sherlock alors que son entraineur, exaspéré par le comportement des deux gaillards, tournait la tête de gauche à droite, un rictus mauvais dessiné sur ses lèvres.
Non échaudé par la mauvaise humeur de Duda, pourtant visible comme une verrue en plein visage, Urgan lui fit signe de se rapprocher d’avantage et susurra :
- Je pourrais peut-être exercer mon apostolat de tantôt…
- Pour moi ? – l’entraineur recula sur sa chaise, manifestement quelque peu surpris.
- Pour vous… - argua, sur un ton sibyllin, l’étrange individu.
- Ah de toute façon, vu le tarot, y’a qu’du riche, dans not’ genre, qui peut se payer ses services. – assura Sherlock avec verve.
- C’est bien gentil, mais… qui est-ce que vous comptez buter ? – répliqua le coach, interloqué, en portant un godet à ses lèvres.
- Et ben ? – s’étonna Urgan. – K'aitsa'chinu'i ! Le minotaure des Apôtres du Destin !
- Le mino ? – Duda explosa, recrachant le liquide qu’il venait d’avaler.
- Quoi ? – répliqua le pirate, étonné. – C’est pas ça que vous voulez ?
- Mais bande de tarés ! – s’emporta alors l’entraineur. – Qui est ce qui vous a mis des idées à la con pareilles dans vos cervelles de rats putréfiés ?! Vous êtes débiles ou quoi ? Et toi Sherlock ? – le coach s’adressa à ce dernier avec véhémence. – C’est quoi ce nouveau plan tout foireux que tu m’sors là ? Tu veux qu’on se fasse exclure de la Ligue, espèce de taré ?!
- Non mais on est vraiment désolés. – répondit le halfling quelque peu déconfit, la mine maussade.
- Comme le bruit court… – continua Urgan, feignant n’avoir pas remarqué la colère de l’entraineur. – Vous savez, bruit qui court n’est point…
- Nan mais c’est bon, c’est bon, j’connais. – l’interrompit Duda, qui avait visiblement assez des phrases alambiquées, sans queue ni tête, de son interlocuteur. – Ça suffit. Le bruit court que j’veux faire buter le joueur vedette de SSB ? – s’étonna-t-il vivement.
- Ah ça partout ! – affirma avec ardeur le pirate. – Et je suis homme à voir du monde. Et du pays.
- Moi j’voulais vous rendre service. – bougonna Sherlock.
- Rendre service, tu parles ! Comme si je n’étais pas assez grand pour m’en occuper par moi-même. – maugréa le coach en tournant la tête de dépit. – Putain, heureusement que j’ai prévu autre chose…
- Non mais des fois, quand on est impliqués, on hésite. – Urgan tenta d’expliquer le malentendu. – Et c’est un prompt renfort.
L’entraineur regarda ses deux interlocuteurs avec consternation. Il affichait un agacement manifeste à l’encontre des deux hurluberlus, et surtout à l’encontre de son joueur qui, une nouvelle fois, essayait de l’entrainer dans un larcin plus que douteux, en compagnie d’un individu des plus baroques, auquel Duda ne pouvait accorder la moindre confiance – sauf à être totalement, indubitablement et irréversiblement dérangé, insensé, et complètement abrouti. La colère passée, il expira bruyamment et demanda à brûle-pourpoint, feignant un détachement certain :
- Mais… à titre purement informatif… Vous prendriez combien ?
***
L’après midi touchait à sa fin et le soleil déclinait doucement à l’horizon, faisant miroiter d’or les eaux limpides de l’océan, quand l’immense galion entra doucement dans la rade du port, accompagné de chaque côté par plusieurs goélettes et schooners d’escorte, aux voiles auriques rayées de sang et d’azur impérial. Sur l’imposant bâtiment de guerre, dont chacun des flancs était garni de deux rangées de batteries de canons en bronze, les marins s’affairaient à la manouvre. Ils déambulaient de partout, telles des fourmis, sur les trois ponts du navire et dans les gréments, dans une chorégraphie parfaitement orchestrée et scrupuleusement exécutée. Les voiles carrées affalées, le galion impérial glissait tranquillement sur les flots à l’aide de la seule voile d’artimon, et était guidé dans le port par plusieurs bateaux-pilotes, dont les rameurs s’activaient frénétiquement à lui faire maintenir le cap et à l’amarrer au quai sans désagréments.
Une foule immense et impatiente attendait avidement l’arrivée du bâtiment. De partout, des spectateurs, venus seuls ou en famille, regardaient émerveillés l’immense navire man½uvrer dans le port. Les enfants gambadaient de partout en riant bruyamment ou étaient suspendus aux bras de leurs parents, ne ratant rien de spectacle marin qui s’offrait à leurs yeux ébahis. Des vendeurs ambulants se faufilaient dans le flot des badauds, proposant qui des beignets fourrés, qui des tartes à la crème, qui des brochettes de viande, qui encore des caramels, au plus grand plaisir des bambins.
- Ah, ça c’est du bateau ! – observa un gaillard puissamment bâti, quoique légèrement enrobé, à son voisin dans la foule, un humain au crâne légèrement dégarni, au visage sec et rude, et au regard sombre, portant une ample cape grise, et adossé à un muret en briques rouges. – Ça vous fait pas plaisir d’voir un galion impérial débarquer ? – le questionna le colosse avec étonnement.
- Pourquoi ? – aboya sèchement celui-ci sans regarder son interlocuteur.
- Bah, vous souriez pas. – constata placidement ce dernier. – C’est la fête, non ? Pensez. Ça fait deux jours qu’on nous annonce une arrivée importante au port, et v’la t’y pas qu’un navire d’guerre s’pointe chez nous ! Et pas moins qu’un galion impérial. Si c’est pas du spectacle ça !
- Si vous l’dites. – rétorqua laconiquement l’humain émacié.
- Et comment ! Un sacré bâtiment que voilà ! Deux rangées d’canons, rien de moins ! Et matez-moi c’te poulaine et l’château arrière ! C’est du mille tonneaux ça, ou j’m’y connais pas ! – éructa le gaillard.
- Vous êtes sur ? – lui demanda malicieusement son interlocuteur vêtu de gris, comme s’il souhaitait juste faire parler l’individu, mais sans s’intéresser le moins du monde aux réponses que ce dernier pouvait donner.
- Et comment ! – répondit l’autre en s’offusquant, sans remarquer le jeu de son voisin. – J’ai servi vingt ans dans la marine royale ! Jusqu’à c’qu’on m’vire pour scorbut et… autres conneries. C’est du mille tonnes où j’m’appelle pas Roger !
- Moi, j’dirais plus. – indiqua l’homme à la cape, un rictus ironique sur les lèvres.
- Plus si vous voulez ! P’tet mille deux ! Mais pas moins ! J’donne ma main à couper ! – protesta vivement le colosse.
Pendant ce temps-là, le galion finit par s’amarrer à l’emplacement prévu. Une passerelle fut rapidement tendue entre le tribord du navire et le quai et une rangée de piquiers débarqua à la hâte, en formant un épais cordon défensif autour de celle-ci. Spontanément, la foule recula anxieuse, mais les sourires revinrent sur les visages des spectateurs lorsqu’ils comprirent que les soldats n’étaient là que pour sécuriser le périmètre et empêcher toute montée sur le bâtiment.
- Dites-donc, c’est du sérieux ! – l’imposant humain maintenait son flot insipide de commentaires. – Mon cousin, celui qui bosse à la capitainerie du port ne m’a pas menti alors !
- En quoi ? – demanda, de manière détachée, l’autre homme.
- Bah, il m’avait dit qu’une grande ponte devait débarquer. Quelqu’un apparemment d’important. De très important, qu’il m’a dit. – répondit avec étonnement le colosse. – J’pensais qu’c’étaient encore des conneries d’poivrot, ses histoires. D’celles qu’il nous raconte souvent à la taverne. Mais j’vois qu’il m’a pas menti l’mauvais bougre ! Un galion impérial rempli d’hallebardiers d’Altdorf ! Alors ça ! Quand j’raconterai aux copains, voudront pas m’croire ces pochards d’première !
- Et qui croyez-vous qui arrive comme personnage ? – insista son interlocuteur, visiblement intéressé à faire parler l’ancien marin.
- J’en sais rien moi. – indiqua ce dernier en clignant des yeux. – Il parait qu’c’est pour la Lutèce Cup. Que ces Messieurs d’la Ligue ont embauché une grande star. Une star immense ! C’est ce que dit la rumeur. Ca fait deux jours que la ville est en émoi. Vous l’savez pas ? – s’étonna-t-il. – Mais vous débarquez d’où vous ?
- J’arrive de loin. J’voyageais. – observa laconiquement l’homme vêtu de gris. Puis, sans jeter le moindre regard à son interlocuteur, il s’avança en direction des hallebardiers impériaux, le sourire aux lèvres.
- Hé ! Vous allez où comme ça ! – le héla le colosse. – Vous êtes qui d’abord, vous ! – C’est alors qu’il vit, sur l’arrière de la cape de l’inconnu, le blason tant adulé de la mythique Lutèce Cup, blason que seuls quelques rares élus avaient le droit de porter. – Bordel, oh putain grands dieux, bordel ! – jura-t-il alors que la masse des spectateurs se renfermait sur l’individu qui venait de quitter sa compagnie.
Alors que Duda traversait la foule et se portait au-devant des gardes, une clameur immense explosa tout autour de lui. Les gens criaient, hurlaient de joie, projetaient en l’air chapeaux, bouts de papier ou même enfants, et beuglaient de tout leur soul à en perdre la voix. La raison de ce vacarme assourdissant était l’apparition, sur le pont du navire, d’un personnage immense, impressionnant et surtout légendaire…
Morg’n Thorg débarquait en ville !
Il salua vigoureusement la foule et sourit, ce qui souleva une nouvelle clameur de la part des spectateurs subjugués. Puis, accompagné du capitaine du navire et d’un autre individu rachitique, il emprunta la passerelle pour descendre sur le quai. Les hallebardiers s’écartèrent pour laisser passer les trois personnages, lesquels s’arrêtèrent en face du coach halfling.
Ce dernier inclina rapidement la tête en saluant la star et ses deux compagnons :
- Bienvenue à la Lutèce Messire Morg’n. Extrêmement ravi de vous rencontrer.
- Alors c’est vous Duda ? – la voix puissante et grave de l’ogre fit tressaillir les spectateurs autour. – C’est à vous que j’dois le retour aux affaires ?
- Si vous me l’permettez. – intervint le petit humain décharné qui se trouvait aux côtés de la vedette. – D’abord le contrat. Nous n’avons pas encore signé…
- Plus tard, Maître l’agent. – l’interrompit sèchement Morg’n en levant la main. – Plus tard. J’veux d’abord savoir. Elle est où, la vachette dont j’dois m’occuper ?
Le CR du match. Demain 😉